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Théâtre - Critique

Le Tartuffe ou l’Hypocrite, de Molière, mise en scène Ivo van Hove

Le Tartuffe ou l’Hypocrite, de Molière, mise en scène Ivo van Hove - Critique sortie Théâtre Paris Comédie-Française
Marina Hands, Denis Podalydès et Christophe Montenez dans Le Tartuffe ou l'Hypocrite mis en scène par Ivo van Hove. © Jan Versweyveld

Comédie-Française

Publié le 27 janvier 2022 - N° 296

En ouverture de la saison Molière à la Comédie-Française, qui commémore les 400 ans de la naissance du comédien et dramaturge, Ivo van Hove crée la première version du Tartuffe, pièce en trois actes censurée par le pouvoir royal en 1664 et jamais jouée Salle Richelieu. Le metteur en scène belge s’empare avec liberté de ce texte perdu et reconstitué par l’historien Georges Forestier. Il signe un spectacle sauvage qui ne dépasse guère le statut de curiosité.

La première version s’intitule Le Tartuffe ou l’Hypocrite. La seconde, Le Tartuffe ou l’Imposteur. Un substantif troqué et deux actes rajoutés (le troisième et le cinquième) différencient les deux moutures du Tartuffe, pièce créée en 1664 à Versailles devant la Cour, aussitôt interdite par Louis XIV et présentée, cinq ans plus tard, dans une nouvelle version au Théâtre du Palais-Royal. Depuis lors, c’est la pièce de 1669 qui se joue à travers le monde, et bien sûr dans la Maison de Molière, Le Tartuffe étant l’œuvre du répertoire la plus représentée à la Comédie-Française. Sauf qu’Ivo van Hove n’aime pas cette comédie augmentée qui s’achève, dit-il, par un deus ex machina artificiel. Le metteur en scène belge voit dans la pièce de Molière un drame social aboutissant à l’explosion d’une famille. Le texte en trois actes récemment reconstitué par Georges Forestier a ainsi été l’opportunité, pour le directeur de l’Internationaal Theater Amsterdam, de donner vie à sa vision noire, féroce, corporelle du Tartuffe. Une vision qui souhaite dépasser la seule idée de captation économique (après avoir accueilli le faux dévot dans sa maison, Orgon fait de lui son légataire universel) en posant l’hypothèse d’une passion sensuelle entre Elmire, l’épouse d’Orgon, et Tartuffe.

Le rythme et l’esthétique d’une série cinq étoiles

Pourquoi pas. L’une des forces du théâtre est d’être capable de se réinventer sans cesse, par le biais de multiples inspirations, d’ouvrir des voies inédites, aventureuses, inattendues à nos sens et nos imaginaires. En l’espèce, Ivo van Hove caresse davantage un concept qu’il n’illumine d’un jour nouveau l’œuvre de Molière. Cette proposition sans ressort comique, cadrée par une partition musicale dramatisante d’Alexandre Desplat, par des lumières et une scénographie hyper-esthétisantes de Jan Versweyveld, est d’une beauté frappante. Entrant dans cet univers à la fois lyrique et épuré, agrémenté de surtitres explicatifs, on pense d’emblée à l’une de ces séries à gros budget visibles sur écran. Vêtus de costumes sombres, chics, contemporains (signés An d’Huys), les comédiennes et comédiens s’empoignent, se heurtent, s’invectivent, dans des corps à corps sauvages ou charnels. Le jeu de Denis Podalydès dans Orgon, de Christophe Montenez dans Tartuffe, de Marina Hands dans Elmire, de Loïc Corbery dans Cléante révèle tranchant et acuité. Mais cela ne suffit pas à faire de ce Tartuffe un grand moment de théâtre. Comme si la mise en scène de Ivo van Hove, s’en tenant à sa véhémence, restait en surface de la pièce. Il manque des contrastes à ce Tartuffe purement dramatique. Il manque de l’ambivalence, une âme souterraine.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Le Tartuffe ou l’Hypocrite
du samedi 15 janvier 2022 au dimanche 24 avril 2022
Comédie-Française
Place Colette, 75001 Paris.

En alternance. Matinées à 14h, soirées à 20h30. Tél. : 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr

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