Le retour de Vladimir Feltsman
Tête d’affiche
SALLE GAVEAU / PARIS / PIANO
Publié le 25 septembre 2018 - N° 269
Retrouvailles après 30 ans d’absence des scènes parisiennes avec un pianiste de légende, né en 1952 à Moscou, émigré aux Etats-Unis en 1987 : Vladimir Feltsman. Son récital consacré à Schumann (Arabesque ; Kreisleriana) et Moussorgski (Tableaux d'une Exposition) inaugure une nouvelle série parisienne dédiée au piano proposée par Yves Riesel : Les concerts de Monsieur Croche.
Vladimir Feltsman ? Remontons dans le temps jusqu’en… 1971. Ce pianiste de 19 ans remporte le premier prix du Concours Marguerite-Long. On jurerait bien l’avoir vu, à la télévision, lors du concert des lauréats, alors diffusé, jouer le Quatrième Concerto de Rachmaninov. Début d’une grande carrière ? Il eut le malheur de vouloir émigrer. Comme d’autres refuznik, Feltsman sera privé de visa et interdit de jouer en public. Le jeune pianiste et sa femme survivront en vendant les livres de leur magnifique bibliothèque les uns après les autres, comme Feltsman nous le révèle dans une magnifique interview recueillie par Hannah Krooz pour Monsieur Croche, organisateur de sa rentrée parisienne*. Pendant ce temps, Yves Haguenauer, un industriel français qui avait tout mis en œuvre pour faire libérer en 1980 le pianiste argentin Miguel Angel Estrella des geôles uruguayennes où il était torturé, travaillait en coulisse pour que Feltsman et le Trio Tchaïkovski puissent traverser le rideau de fer. La diplomatie s’en mêlera et un accord sera trouvé entre Ronald Reagan et Gorbatchev. En 1987, Feltsman donnera un grand récital à la Maison Blanche pour fêter cette libération. Un beau disque sera enregistré par la branche française de CBS. Puis le silence se fera de nouveau peu à peu en France sur ce pianiste. On oublie toujours que pour que la presse musicale parle d’un artiste il faut qu’il enregistre. Quelques disques américains nous donnaient bien de ses nouvelles, mais produits par un petit éditeur ils ne poussèrent pas les organisateurs de concerts à inviter Feltsman.
Un artiste rare
Et puis ce pianiste est aussi de ceux qui savent quelles solitude et fatigue les voyages incessants représentent, qui ne sont pas toujours compensés par des rencontres furtives avec des orchestres et des chefs toujours pressés. Alors Feltsman s’est fait assez rare, même aux Etats-Unis où il joue cependant suffisamment pour avoir un nom, avec des chefs et des orchestres qui sont sur sa longueur d’ondes artistiques, et notamment beaucoup avec Michael Tilson Thomas. Il enseigne, quasi depuis son arrivée, à l’Université d’Etat de New York New Paltz et au Mannes College où il attire beaucoup d’étudiants. Le Français Jonathan Benichou a rencontré Vladimir Feltsman quand il avait 17 ans, à New Paltz, avant d’entrer non loin de là au Mannes College de New York, chez Pavlina Dokovska. « J’ai continué à consulter Vladimir Feltsman régulièrement. J’étais frappé par la clarté de son jeu polyphonique et par la force du timbre pianistique. Il avait la volonté de laisser « les sons libres », comme il le disait. J’ai su dans l’instant que j’avais trouvé un modèle pianistique. » Bénichou raconte que « avec beaucoup de générosité, il m’invitait à lui jouer des choses et me demandait à l’avance par téléphone quel répertoire je lui jouerai. Parfois, il parlait peu et comme par une sorte de suggestion, proposait un chemin qu’il fallait décrypter. D’autres fois, il usait de paraboles précises. Il m’a rapidement demandé de tuer la représentation du professeur dans mon esprit, tout en insinuant que sa présence était indispensable. Cette expérience m’a fait comprendre qu’il me fallait conquérir ma liberté en trouvant ma personnalité ». Vladimir Feltsman est à Paris, Salle Gaveau, le 10 octobre. Nous y serons. Pas vous ?
Alain Lompech
*Interview à lire sur le site concertsdemonsieurcroche.com
A propos de l'événement
Le retour de Vladimir Feltsmandu mercredi 10 octobre 2018 au mercredi 10 octobre 2018
Salle Gaveau
45 rue La Boétie, 75008 Paris
à 20h30. Tél. 01 49 53 05 07 (Gaveau) ou 07 69 79 32 51(Mr Croche). Places : 35 à 85 €.