« Taire » de Tamara Al Saadi spectacle grand format qui s’empare sans peur du mythe d’Antigone
Tamara Al Saadi grandit encore mais reste en [...]
Camille Cottin et Jonathan Capdevielle adaptent Jewish cock de Katharina Volckmer, désamorçant ce roman explosif comme pour mieux faire craindre les monstres tapis dans les plis de l’Histoire.
La scène magique du Théâtre des Bouffes du Nord accueille toujours avec bonheur les scénographies originales. Celle de Nadia Lauro s’y insère avec élégance en une longue coulée violette, comme un magma qui respire doucement, exhalant le gaz qui encombre encore la mémoire de l’Europe fasciste, harcelée par les spectres d’Hitler et de Mussolini. Sur le monticule ainsi formé, Camille Cottin, vêtue d’une combinaison en latex cramoisi, susurre les confidences d’une jeune Allemande installée à Londres, venue consulter un gynécologue avec le projet de se faire greffer un pénis juif (que l’anglais « jewish cock » désigne en des termes plus crus). Les différentes étapes de la confession sont illustrées par les costumes de Colombe Lauriot Prévost, dont la sensibilité sémantique s’empare avec une évidente gourmandise et un plaisant art du kitch des figures détestées par la narratrice, de la petite fille que sa mère rêve en princesse à l’Enfant Jésus auréolé d’une gloire lumineuse.
Les sanglots du silence
Le travail du son est, comme toujours dans les spectacles de Jonathan Capdevielle, particulièrement soigné. Grésillements du téléphone, aboiements, voix off, interprétation susurrée au micro faisant entendre la respiration de la comédienne, création musicale de Pierre Boscheron : tout contribue à installer une ambiance menaçante sous l’apparence d’une légèreté teintée de provocation. La dernière scène – sans doute la plus réussie en sa simplicité – donne la clé de l’énigme. Elle permet de comprendre pourquoi celle qui s’est exilée loin du pays dont elle déteste la cuisine et le passé, veut rompre avec ce qui l’attache au genre qui la fait l’héritière symbolique du chef de gare silésien regardant passer les trains de déportés promis à la mort. Camille Cottin tourne autour de la lave vineuse, l’escalade, s’y enroule et s’y perd parfois un peu, dans un festival de figures dont la succession ne font pas toujours immédiatement sens. Sinon à supposer que l’innommable ne peut jamais véritablement se dire, que l’indignité est trop lourde à porter et à supporter, et que les enfants de ceux qui se sont tus ne sont que les fantômes désorientés d’un passé qui ne passe pas.
Catherine Robert
En tournée. Le 7 février à l’Onde, Théâtre Centre d’Art Vélizy-Villacoublay ; les 10 et 11 février à La Coursive, Scène nationale de La Rochelle ; le 13 février au Théâtre du Vésinet ; le 16 février à l’Opéra de Vichy ; le 23 février au Bâtiment des Forces Motrices, Genève ; le 25 février au Théâtre de Beausobre, Morges ; les 1er et 2 mars à Châteauvallon Liberté, Toulon ; du 4 au 6 mars à Anthea, Antibes ; du 11 au 22 mars au TNS, Strasbourg ; les 24 et 25 mars au TAP, Poitiers ; les 27 et 28 mars aux Scènes du Golfe, Vannes ; le 3 avril au Cratère, Scène Nationale d’Alès en Cévennes ; le 5 avril à L’Ombrière, Uzès ; le 8 avril au Parvis, Scène nationale Tarbes Pyrénées. Spectacle vu au Théâtre des Bouffes du Nord
Tamara Al Saadi grandit encore mais reste en [...]