La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Classique / Opéra - Entretien

Le plaisir de la découverte, orchestré par Jakub Hrůša

Le plaisir de la découverte, orchestré par Jakub Hrůša - Critique sortie Classique / Opéra Paris Théâtre des Champs-Élysées
Le chef Jakub Hrůša. © Marian Lenhard

Jakub Hrůša

Publié le 23 avril 2023 - N° 310

Le chef tchèque, actuellement en poste à Bamberg, Prague, Rome et bientôt Londres (Covent Garden), met à l’honneur la musique d’Europe centrale et orientale avec l’Orchestre philharmonique de Radio France et les Wiener Philharmoniker.

Faire découvrir le répertoire tchèque et d’Europe centrale, est-ce une mission ?

Jakub Hrůša : Je dirais plutôt un plaisir, celui de stimuler la découverte. Dans une œuvre comme L’Évangile éternel de Janáček, ma connaissance intime de cette musique et de la langue tchèque me permet d’aider les musiciens à pénétrer les différentes couches de l’œuvre. C’est pourquoi je ne dis jamais non quand il s’agit de diriger Dvořák, Janáček ou Martinů, mais cela ne reflète qu’une partie de mon activité.

« Il n’y a aucune raison pour qu’un concert soit la copie d’un autre. »

Quelles qualités attendez-vous des orchestres dans ces répertoires ?

J.H. : Le but n’est pas d’entendre les œuvres toujours de la même façon ; il n’y a aucune raison pour qu’un concert soit la copie d’un autre. Ce qui m’intéresse, c’est instaurer un dialogue dans chaque lieu où je dirige. Si l’orchestre est bien préparé, avec l’esprit ouvert, la question du langage ou du style n’est jamais insurmontable. Mon rôle est d’être un guide, de relier les détails de l’interprétation qu’apporte chaque musicien à l’architecture globale. Sans vouloir caricaturer, je sais qu’avec l’Orchestre philharmonique de Radio France, je pourrai compter avec la beauté et la sensualité du son qui conviennent bien à Janáček, comme à Lutosławski.

Que représente pour vous le Concerto pour orchestre de Lutosławski, aujourd’hui presque un classique ?

J.H. : Lutosławski lui-même le voyait comme un peu daté au regard des œuvres très novatrices qu’il a pu écrire par la suite. C’est un chef-d’œuvre qui vient couronner le premier xxe siècle, comme le Concerto pour orchestre de Bartók ou les symphonies de Martinů. Une œuvre moderne mais aussi particulièrement communicative : je l’ai dirigé l’an dernier avec les Wiener Philharmoniker et le public viennois, pourtant réputé conservateur, a été subjugué par ses couleurs, sa force, son énergie. Réunir Ligeti, Janáček et Lutosławski est pour moi une évidence : ces musiques sont cousines, ont en partage une même culture.

Qu’est-ce qui relie Janáček à Prokofiev et Chostakovitch, que vous dirigez avec les Wiener Philharmoniker ?

J.H. : Janáček était russsophile. Tchaïkovski était avec Dvořák l’un de ses héros et il connaissait très bien la littérature, le théâtre et la musique russes. Et puis, on trouve chez Prokofiev, avec Roméo et Juliette, un idéal romantique très fort d’amour universel, comme dans L’Évangile éternel, qui est un peu « L’Ode à la Joie » de Janáček. Quant à Chostakovitch, il est la figure même du compositeur aux prises avec le monde, à la fois profondément russe et intérieurement mû par l’opposition à la dictature. Ce programme prend évidemment un sens particulier au regard des événements actuels. Il me semble plus que jamais nécessaire de défendre ce que la Russie a apporté de plus beau.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement

Jakub Hrůša
du dimanche 14 mai 2023 au dimanche 14 mai 2023
Théâtre des Champs-Élysées
15 avenue Montaigne, 75008 Paris

à 20h. Tél. : 01 49 52 50 50.

Maison de la Radio et de la Musique, 116 avenue du Président Kennedy, 75016 Paris. Jeudi 1er juin à 20h. Tél. : 01 56 40 56 40.

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