Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras, mise en scène Anne Consigny
Anne Consigny adapte, met en scène et [...]
Ronan Rivière réinvente la célèbre nouvelle Le Nez de Nikolaï Gogol en une épopée grotesque qui résonne avec l’époque. Une histoire olfactive portée par six comédiens virtuoses et un musicien, qui donne à la pièce toute sa saveur.
Un minuscule lit fleuri, une grande table en bois austère, surmontés d’une arche érodée : dans la mise en scène de Ronan Rivière, tout est une question d’échelle – même les organes y grossissent à vue d’œil. Son décor modulable est le terrain d’une cohabitation forcée entre deux classes pétersbourgeoises, qui ne se croisent habituellement que chez le barbier, se retrouvant pieds et poings liés par une histoire de nez disparu. C’est le principal propos de la pièce, exacerbé par Ronan Rivière : lorsque l’assesseur Kovalev (Jérôme Rodriguez) se réveille sans appendice respiratoire, c’est son pressenti brillant avenir qui est remis en jeu. Sa promotion, sa vie sociale et plus encore, son futur mariage avec Alexandrine, envolés, comme son nez ! Cette panique parfaitement interprétée, tournée en ridicule par les interlocuteurs de Kovalev, met très justement en lumière ce que Gogol dénonçait. Lorsque le couple en soif d’argent Ivan Iakovlevitch (Michaël Giorno-Cohen) et Prascovia (Amélie Vignaux) comprend que cette histoire peut lui rapporter gros, il n’hésite pas à user d’entourloupes, tandis qu’Alexandrine (Laura Chetrit), qui peine à comprendre les réticences de son promis à la demander en mariage, s’enfuit avec le nez de ce dernier, et entame avec lui une relation sensuellement grotesque. Quant au jeu de Ronan Rivière, il atteint des sommets dans le rôle du zélé commissaire de police, pris dans les tourments du régime.
Brillante personnalisation du nez
Cette émulation scénique est structurée par des changements de décor à vue qui n’impactent en rien le déroulement de l’intrigue. Au contraire, l’intervention des comédiens eux-mêmes leur donne la possibilité d’habiter la pièce et de conduire petit à petit les spectateurs jusqu’à la farce absolue. Laura Chetrit, brillante dans son rôle de future épouse impatiente et naïve, se livre à un monologue haletant, stupéfiant le public et Kovalev lui-même. Quant à ce dernier, c’est avec peine qu’il compose avec un postiche de plus en plus gros, prolongement extérieur de son propre corps avec lequel il partage – au-delà de son essence-même – son lit et sa promise. Une relation si bien menée que l’on finit (presque) par y croire, et surtout à en rire. Rythmée par Olivier Mazal au clavecin et à l’orgue en coin de plateau, la pièce ne fait pas l’erreur de tomber dans une veine uniquement grotesque, en restituant avec justesse l’esprit satirique original. Un véritable moment de plaisir théâtral.
Louise Chevillard
à 19h30. Relâche les mardis. Tél. : 09.87.78.05.58. Spectacle vu au Lucernaire à Paris
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