La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2012 - Entretien Laurent Fréchuret

Le mystère de la présence

Le mystère de la présence - Critique sortie Avignon / 2012

Publié le 10 juillet 2012 - N° 200

Laurent Fréchuret, directeur du CDN de Sartrouville, présente deux mises en scène à Avignon : A portée de crachat, de Taher Najib, et Sainte dans l’incendie, dont il est l’auteur.

« Je revendique le théâtre comme l’artisanat et l’exploration de cet art brut de la présence de l’acteur. »
 
Pas de vacances pour le CDN de Sartrouville qui passe l’été à Avignon ?
Laurent Fréchuret : « Le travail de l’artiste est un repos, le repos de l’artiste est un travail. » a dit Balzac, je crois. Nous n’avions jamais encore « fait » le festival d’Avignon, par peur de la foule, de la foire aux spectacles que je redoutais, mais cette idée reçue a été remise en question par la rencontre avec deux équipes artistiques qui travaillent toute l’année et avec lesquelles le dialogue s’est engagé d’emblée. J’ai rencontré deux artistes, Alain Timar au Théâtre des Halles et Fida Mohissen au Théâtre GiraSole, avec lesquels j’ai pu avoir une discussion directe sur les œuvres, le jeu d’acteur, le partage avec les publics. A portée de crachat et Sainte dans l’incendie auront la chance de pouvoir rencontrer le plus large public possible, des fous de théâtre aux passagers clandestins : plus il y a de gens différents dans une salle, plus l’œuvre résonne de toutes ses strates de sens et de sensations, comme le dit si justement François Cervantès. Ces deux pièces reposent sur l’art de l’acteur, traversé par les phrases du poème dramatique. La lumineuse petite chapelle du Théâtre des Halles est habitée par Laurence Vielle, et la belle salle du GiraSole accueille Mounir Margoum. Pas de décor mais deux espaces invitant les corps, les visages, la parole, le jeu, la présence de deux grands comédiens.
 
Quelle est l’histoire de l’aventure de A portée de crachat, dont vous avez créé la version française ?
L. F. : J’ai découvert avec bonheur l’auteur palestinien Taher Najib, vivant à Tel Aviv, traduit pour la première fois en français par Jacqueline Carnaud. Taher, dans sa pièce, nous parle de l’identité, de l’errance, du conflit israélo-palestinien, mais aussi du théâtre. J’ai eu un flash à la première lecture de ce texte, très théâtral et très poétique, qui ne relève pas seulement de l’agitprop, même s’il est éminemment politique et contemporain par son propos. Mettre en scène cette pièce est devenu pour moi une évidence grâce à la rencontre avec Mounir Margoum, cet acteur formidable, qui sera également dans la cour d’honneur avec La Mouette, mise en scène par Arthur Nauzyciel. Taher, Mounir et moi nous sommes rencontrés comme frères de théâtre, l’an dernier, lors de la création de la pièce dans la biennale Odyssées en Yvelines.
 
Et comment nous présenter votre Sainte dans l’incendie ?
L. F. : C’est une aventure très étrange. Depuis quinze ans, j’écris une sorte de journal intime poétique. Je l’ai montré à quelques personnes, et me suis rendu compte qu’il constituait un matériau théâtral possible en l’éprouvant sur scène. Avec Laurence Vielle, a eu lieu exactement le même choc qu’avec Mounir. Sa présence me parle : j’ai l’impression de la connaître depuis toujours et d’avoir écrit ce texte pour elle, même si je ne la connaissais pas à l’époque de l’écriture. Il s’agit de la vie au pas de course d’une Jeanne d’Arc fantaisiste. A chacun sa Jeanne ! La mienne est la métaphore d’un chef de troupe théâtrale, inspirée par des mots, des voix qui viennent d’ailleurs, qui la traversent et la brûle ! Laurence Vielle arrive à sculpter les mots comme des objets, des cadeaux qu’elle nous offre. Je revendique le théâtre comme l’artisanat et l’exploration de cet art brut de la présence de l’acteur. Le mystère de la présence : voilà ce qui réunit ces deux acteurs en jeu.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


 
Avignon Off. Théâtre GiraSole, 24bis, rue Guillaume-Puy. Du 13 au 28 juillet, à 10h45. Tél. 04 90 14 08 17 / 06 73 51 75 48. Théâtre des Halles, 4, rue du roi René. Du 7 au 28 juillet, à 16h30 ; relâche le 17. Tél. 04 32 76 24 51.
 
A portée de crachat / Théâtre GiraSole / de Taher Najib / mes Laurent Fréchuret
Sainte dans l’incendie / Théâtre des Halles / texte et mes Laurent Fréchuret

A propos de l'événement


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