Le Mendiant ou la mort de Zand
©Photo : Elisabeth Carecchio
Le Mendiant (Vincent Minne), Zand (Éric Caruso) et le Médecin (Claude Guyonnet) sur son divan freudien.
Photo : Elisabeth Carecchio
Le Mendiant (Vincent Minne), Zand (Éric Caruso) et le Médecin (Claude Guyonnet) sur son divan freudien.
Publié le 10 novembre 2007
Bernard Sobel monte avec brio Le Mendiant ou La Mort de Zand, une pièce faustienne d’Iouri Olecha, écrivain soviétique et dissident de l’art dit révolutionnaire.
Le Moscovite Iouri Olecha, méconnu en France, atteint la gloire littéraire dans les années 30 et 40 staliniennes, et ce malgré son interdiction de publication en 36. Doué d’une conscience aiguë, Olecha se reconnaît en l’intelligentsia russe « qui doute, qui souffre, qui se dédouble, qui prend sur lui la faute, qui se repent… » L’écrivain ressent une inadéquation avec le type de l’ouvrier et du héros révolutionnaire, d’où son sentiment d’inutilité sociale puisque seule lui est échue la posture de l’artiste. Comme la révolution n’a pas changé les hommes et que tout est vain, il ne reste plus au dramaturge qu’à se reconnaître dans la figure orgueilleuse du Mendiant qui tend la main, l’expression d’une violente collision entre le héros et l’Histoire. Le Mendiant ou la mort de Zand, pièce allégorique à connotation romantique que Bernard Sobel éclaire de ses justes lumières, met à l’honneur les jeux de la création et de l’imaginaire. En cette époque de chaos, tous les héros littéraires résistent, de Balzac jusqu’aux maudits de Dostoïevski, militant sans le savoir pour la reconnaissance de l’inconscient. L’œuvre est une mise en abyme faustienne qui s’amuse savamment du double et des identités déclinées.
La peur de la mort ? Le sexe ? La femme ? L’homme est perdu
Un metteur en scène monte une pièce dont le protagoniste, l’écrivain Zand, s’essaie à l’écriture d’un drame. Le créateur se projette dans ses personnages, Zand est un commissaire politique zélé trompé par sa femme, ou bien il est Fédor Miskevitch, un mendiant, son alter ego qui veut prendre en charge l’inconscient de l’homme nouveau. Ce double, sorte d’Homme noir, se propose de venger le mari en tuant le rival. Comparer un chantier socialiste en défaillance avec sa propre vie amoureuse en déroute n’est pas égal. On lance des bombes au tsar, mais on reste sentimental vis-à-vis de la femme. Le jaloux souffre beaucoup et, constructeur du futur, il ne peut pas pour autant contourner la vie réelle. La révolution reconnaît la seule raison tandis que la conscience a ses mystères. La peur de la mort ? Le sexe ? La femme ? L’homme est perdu, nouveau ou pas. La scénographie futuriste de Lucio Fanti, des pièces et des portes d’appartement en écheveau coloré, donne à voir le passage du temps et des résignations consenties sous un patchwork d’affiches à la gloire du socialisme. Avec de beaux comédiens, arpenteurs scéniques : Claire Aveline, Éric Caruso, Éric Castex, Claude Guyonnet, Anne-Lise Heimburger, Vincent Minne, Jacques Pieiller, Chloé Rajon, Stanislas Stanic et Gaëtan Vassart. À contempler, un désir d’être, au-delà des leçons données.
Véronique Hotte
Spectacle vu au T.N.S de Strasbourg.
Le Mendiant ou la mort de Zand
D’Iouri Olecha, texte français Luba Jurgenson, mise en scène de Bernard Sobel, du mercredi au samedi 20h30, mardi 19h30, dimanche 15h30, du 9 au 29 novembre 2007 au Théâtre Nationale de la Colline 15, rue Malte-Brun 75020 Paris Tél : 01 44 62 52 52 www.colline.fr