La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Violences de Léa Drouet

Violences de Léa Drouet - Critique sortie Théâtre Nanterre Théâtre Nanterre-Amandiers
© Cindy Sechet Violences de Léa Drouet

Conception Léa Drouet

Publié le 2 octobre 2020 - N° 287

Dans Violences, Léa Drouet met en place un langage minimaliste où objets et gestes se mêlent aux mots pour évoquer les violences contemporaines loin de leurs représentations habituelles. Une démarche exigeante qui sait se rendre accessible.

Dès les premières phrases de Violences, on pense à la série de conférences théâtrales Décris-ravage d’Adeline Rosenstein, dont Léa Drouet est interprète. Dans ce travail, l’auteure et metteure en scène abordait avec d’autres comédiens la « Question de Palestine » sans aucune image. Avec, en guise de carte, un tableau blanc sur lequel tous jettent des mouchoirs en papier mouillés au fur et à mesure de l’exposé. Pour traiter des violences d’aujourd’hui, Léa Drouet met en place le même type de distance entre son sujet et ses représentations habituelles. Avec la collaboration de la philosophe et dramaturge Camille Louis, elle construit pour cela son propre langage. Pas de « choré-cartographies » ou cartes dansées comme elle en pratique avec Adeline Rosenstein, mais une gestuelle lente, posée. Une sorte d’alphabet corporel dont les rapports complexes avec sa parole, amplifiée et régulièrement transformée pour signifier un changement de personnage, ne sont jamais explicités. S’ils semblent souvent porter une même signification, une tension, une friction se manifeste par moments entre ces deux composantes du spectacle. De même qu’entre elles deux et la scénographie d’Élodie Dauguet : une installation faite de sable, de cubes et d’autres formes colorées, éclairées par des projecteurs qui font partie du décor. Le petit monde de Léa Drouet a des airs trompeurs de jeu d’enfant.

Tragédies de bac à sable

Dans Violences, l’espace théâtral se manifeste comme tel. Il n’a pas prétention à se faire oublier, mais au contraire à s’exprimer dans toute sa spécificité. C’est là toute la force de la pièce de Léa Drouet, dont le récit ressemble à beaucoup d’autres. Sur un ton au diapason de ses gestes, aussi calme et doux que celui qu’on prend pour un conte, elle commence par raconter l’histoire de sa grand-mère. À l’âge des jeux de bacs à sable, dit-elle, son aïeule a dû s’enfuir du pays où elle-même « est née mais où elle ne vit pas ». Elle a dû traverser champs et routes pour une raison que l’on comprend à demi-mots : la rafle du Vél d’Hiv’. Sans transition, avec les mêmes gestes, la même adresse, elle entame ensuite un autre récit dont elle est a priori plus éloignée : celui du meurtre de la petite Mawda par un policier belge alors qu’elle tentait de rejoindre l’Angleterre avec sa famille et vingt-cinq autres personnes. En réunissant ainsi l’intime et le collectif, Léa Drouet se fait témoin actif de la tragédie qui occupe la majeure partie de Violences, et plus généralement des tragédies de l’époque. Elle va ainsi au-delà d’une critique des représentations médiatiques : dans l’espace théâtral qui est le sien, elle se fait observatrice active des désordres du monde. Et réussit à nous transmettre le désir d’en faire autant.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Violences de Léa Drouet
du mercredi 7 octobre 2020 au vendredi 9 octobre 2020
Théâtre Nanterre-Amandiers
7 avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre

Les 7 et 9 octobre à 20h30, le 8 à 19h30 et le 10 à 18h. Tel : 01 46 14 70 00. Durée : 1h10.

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