Le Jeu de l’île
©Crédit photo : Pierre Grosbois
Légende photo : Gilberte Tsaï met en scène les îles de Marivaux.
Crédit photo : Pierre Grosbois
Légende photo : Gilberte Tsaï met en scène les îles de Marivaux.
Publié le 10 mars 2011 - N° 187
A cause de la répétition du motif insulaire, Gilberte Tsaï choisit de monter ensemble L’Ile des esclaves, L’Ile de la raison et La Colonie : un spectacle plat, fade et assez lourdement scolaire.
Un philosophe indigent, perruque hirsute et bouteille à la main, s’installe côté cour : la scène devient peu à peu l’espace du rêve dans lequel il chemine à la recherche du caractère social de notre espèce. Bonne idée, qui fleure la lecture rousseauiste de Marivaux (dont la finesse anthropologique est telle qu’on peut en faire le précurseur de tout, du délié Genevois à Marx ou aux gender studies), mais décevante réalisation, tant l’interprétation de l’herméneute imbibé est poussive et guindée. Sur le plateau quasi nu, un tapis neigeux semé de quelques rochers figure l’île, qui sert de décor commun aux trois pièces choisies par Gilberte Tsaï pour composer ce spectacle en forme de variation autour du thème de l’utopie. Les comédiens interprètent d’abord L’Ile des esclaves, où Trivelin corrige Iphicrate et Euphrosine de leurs manières tyranniques en offrant à leurs domestiques, Arlequin et Cléanthis, l’occasion et le soin de jouer les maîtres à leur tour. Puis vient L’Ile de la raison, où les héros sont punis par le rapetissement et guéris par la reconnaissance de leurs défauts. Pour finir, La Colonie permet d’entendre un Marivaux plus tragique et plus noir, s’interrogeant sur la question de l’égalité entre citoyens et citoyennes.
Un archipel désolé…
Le jeu des jeunes comédiens réunis en troupe autour de Gilberte Tsaï est sans véritable couleur ni intérêt particulier. Ils ont le mérite de faire entendre trois textes qu’on se plaît toujours à redécouvrir, mais ne parviennent pas à offrir à leurs personnages l’attrait psychologique ou la profondeur politique attendus. Si les costumes de Cidalia Da Costa offrent de beaux effets chromatiques et aident à composer parfois d’assez jolis tableaux, rien ne permet vraiment à l’ensemble de dépasser la présentation neutre et scolaire de ces chefs-d’œuvre théâtraux. L’utilisation des marionnettes pour la deuxième partie (L’Ile de la raison) constitue une idée qui aurait pu être féconde, mais il aurait fallu qu’elle soit exploitée à la hauteur de ce que cet art est aujourd’hui capable de produire en termes d’inventivité et de magie. L’ensemble demeure plat et fade et la page blanche de cette scène neigeuse reste vierge et muette.
Catherine Robert
Le Jeu de l’île, d’après L’Ile des esclaves, L’Ile de la raison et La Colonie, de Marivaux ; adaptation et mise en scène de Gilberte Tsaï. Du 28 février au 15 mars 2011. Lundi, vendredi et samedi à 20h30 ; mardi et jeudi à 19h30 ; le dimanche 6 mars à 17h. Nouveau Théâtre de Montreuil / Centre Dramatique National, salle Jean-Pierre Vernant, 10, place Jean-Jaurès, 93100 Montreuil. Réservations au 01 48 70 48 90. Durée : 2h.