La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Agenda

Le jeu de l’amour et du hasard

Le jeu de l’amour et du hasard - Critique sortie Théâtre
© Jean Henry Légende : Travestissements et parades amoureuses malmènent une jeunesse fort déroutée !

Publié le 10 octobre 2009

Une jeune troupe d’acteurs parvient à donner corps à la quête de sincérité du sentiment amoureux de Marivaux grâce à une mise en scène épurée, resserrée et précise.

Un double plateau incliné et épuré comme pour mieux donner à voir le jeu des comédiens, déployant une quête de sincérité du sentiment amoureux intense, tumultueuse et risquée. Une quête qui se fonde sur un double travestissement : Silvia promise à Dorante se déguise avec l’accord de son père Orgon en Lisette sa soubrette, afin d’examiner à loisir son prétendant, et de son côté Dorante a la même idée et paraît sous l’habit de son valet Arlequin, qui se délecte d’emprunter l’identité de son maître. Les valets se plaisent illico, et angoissent à l’idée de dévoiler la vérité, et les maîtres, bien qu’attirés fortement l’un par l’autre, sont horrifiés par l’idée d’aimer, ou pire encore, d’épouser quelqu’un qui n’est pas de leur rang (surtout Silvia, qui refuse catégoriquement de valider son amour pour un simple valet). Le déguisement sert donc de révélateur, et oblige à se dénuder dangereusement. La langue est un masque, mais les corps et les cœurs parlent tout autant et ne disent pas la même chose. Pas si facile de gérer sur le plateau cette habile confusion.

Une jeunesse en quête d’épanouissement

C’est tout l’enjeu de la mise en scène, et c’est bien sûr un bonheur de jeu théâtral. Erika Vandelet exploite toutes ces contradictions et ces atermoiements en se passant de tout décorum, par une direction d’acteurs resserrée et précise, montrant bien le désarroi touchant de la jeune Silvia, qui recherche avec lucidité chez un homme d’abord « un bon caractère » ! Le jeu seul sert le texte. Le traitement des différences de classe est comique, et Arlequin apparaît vêtu de blanc avec lunettes de soleil et démarche chaloupée. Lisette se rêve quant à elle en Marylin ou Carmen d’apparat. Ivresse éphémère et désirs frelatés pour une impossible ascension sociale. Chez Marivaux, l’ordre établi n’est jamais véritablement mis en question, et les maîtres se reconnaissent d’instinct. On craint un moment que ce traitement comique ne parasite l’essentiel, c’est-à-dire les tourments amoureux et une jeunesse en quête d’épanouissement, mais grâce au talent des acteurs, ce jeu de l’amour garde ses nuances et ses subtilités. Silvia a parié avec témérité… et elle gagne. « J’avais grand besoin que ce fût là Dorante… » soupire-t-elle. Les multiples parades amoureuses laissent place au triomphe de l’amour.

Agnès Santi


Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, mise en scène Erika Vandelet, du 17 septembre au 18 octobre, les jeudis, vendredis et samedis à 20h30, dimanche à 15h30, au Théâtre Douze, 6 avenue Maurice Ravel, 75012 Paris. Tél : 01 44 75 60 31.

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre