La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2012

Le financement de la culture par les villes

Jack Ralite, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis, est un des rares hommes politiques dont l’engagement pour la culture s’accompagne d’une fréquentation assidue de ses lieux d’expression. Spectateur avignonnais depuis plus de quarante ans, il milite pour une culture revendiquée comme « luxe de l’inaccoutumance » et pour le soutien à la création.

Publié le 10 juillet 2012

Dans le contexte actuel de crise, les communes limitent leurs dépenses culturelles et misent notamment sur des partenariats public-privé.

En 2011, le budget du Festival d’Avignon s’élevait à 12 millions d’euros, dont 55 % issus des subventions publiques. Après l’Etat (à hauteur de 54 %), c’est la ville d’Avignon (24 %) qui apporte la part publique la plus élevée. Même constat à l’échelle nationale : ce sont les villes qui, parmi les collectivité territoriales, s’investissent le plus dans la culture, loin devant les régions et les départements. En 2006, les dépenses culturelles des communes de plus de 10 000 habitants dépassaient les 4 milliards, contre 1 milliard environ pour les départements et 500 millions pour les régions. Mais depuis 2008, les crises économiques se sont succédées, des subprimes aux dettes souveraines. Quel impact sur le budget culture des municipalités ? « Nous constatons une certaine stagnation des moyens accordés à la culture par les villes. Cela s’explique notamment par le fait de la réduction de l’autonomie fiscale des villes, avec la suppression de la taxe professionnelle. Nous sommes dans une période d’incertitudes », constate Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de la FNCC (Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture). Dans un contexte de croissance atone et de hausse du chômage, les villes accordent la priorité aux dépenses sociales. Les élus ont ainsi tendance à limiter la culture au strict minimum : « Les budgets sont absorbés par les coûts de fonctionnement des équipements, au détriment du financement des projets et du soutien aux structures émergentes », explique Vincent Dubois, professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Strasbourg et auteur de La politique culturelle, genèse d’une catégorie d’intervention publique (éd. Belin) et de La politique, l’artiste et le gestionnaire (éd. du Croquant).
 
Colorations politiques
 
Le secteur culturel se positionne traditionnellement à gauche de l’échiquier politique. Les maires PS sont-ils donc plus engagés sur le terrain culturel que leurs homologues de droite ? Si la comparaison des budgets culture des villes est malaisée voire impossible – tant le terme « culture » rassemble, selon les villes, des équipements de nature différente –, le dynamisme culturel des communes est, lui, bien visible. Aujourd’hui, des villes comme Lille (la réussite du programme culturel « Lille 3000 »), Bordeaux (qui s’est lancée dans la construction d’une nouvelle salle de concert symphonique) ou Lyon (à travers le projet du quartier des Confluences, et notamment son musée des sciences) se distinguent dans ce domaine – des mairies tant de gauche que de droite… « L’inertie des budgets culture limite les effets des alternances politiques, observe Vincent Dubois. Cela n’empêche pas des coupes dans ce qui a pu être un marqueur de la municipalité précédente : un festival ou les projets culturels de quartier d’une majorité de gauche par exemple. » Seuls les (rares) maires Front National se sont, dans le passé, illustrés par des politiques culturelles en rupture totale avec celles menées par leurs prédécesseurs.
 
Retombées économiques
 
Si les mairies hésitent aujourd’hui à investir dans le domaine culturel, c’est aussi pour une raison électoraliste. Les dépenses dans ce secteur sont désormais mal perçues par l’opinion. Selon un sondage BVA-SACD-Orange, tandis que 31 % des Français souhaitaient, en 2007, que le financement de la culture soit développé en priorité par les collectivités territoriales, ils ne sont plus, en 2012, que… 11 % ! 29 % (contre 18 % en 2007) espèrent par contre que ce secteur soit développé par des financements privés. Le mécénat culturel connaît d’ailleurs un certain regain : 494 millions d’euros en 2012, contre 380 millions en 2010. Les villes sont donc de plus en plus nombreuses à se lancer dans des partenariats public-privé. Exemple concret : le coût de construction du nouveau Théâtre de l’Archipel de Perpignan a été pris en charge par Auxifip, une filiale du Groupe Crédit Agricole, à qui l’établissement public paie un loyer. « Jusqu’en 2015, il n’y aura pas davantage de financements publics. Les acteurs culturels doivent donc être pragmatiques et se rapprocher du privé, sans bien sûr dénaturer leurs projets. Les retombées sont positives pour les entreprises, qui peuvent notamment fidéliser leurs collaborateurs par le biais de la culture », affirme Jean-Pascal Vendeville, du cabinet de consultant Kurt Salmon, auteur de l’étude Entreprendre et investir dans la culture : de l’intuition à la décision, publiée en novembre dernier au Forum d’Avignon. Cette étude préconise la création d’une « empreinte culturelle » tant pour les collectivités que pour les entreprises, basée sur le modèle de « l’empreinte écologique ». Jean-Pascal Vendeville n’hésite pas à parler de retour sur investissement en matière culturelle : « En perte de vitesse, la ville de Bilbao a investi, en 1997, près de 130 millions d’euros dans la culture, avec notamment le musée Guggenheim. L’année suivante, elle obtenait 144 millions d’euros de retombées économiques dans son PIB. On a vu ensuite la même situation à Liverpool. La culture génère non seulement un flux touristique, mais aussi un flux de résidents, des personnes choisissant de vivre dans la commune en raison de son attractivité culturelle. » Des arguments qui séduisent les métropoles de toutes tailles… Dans la Drôme, la ville de Romans (34 000 habitants), qui a subi de plein fouet la crise de l’industrie de la chaussure, vient de se lancer dans la construction audacieuse d’une cité de la musique.
 

Antoine Pecqueur

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