La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Faiseur de théâtre de Thomas Bernhard par Christophe Perton

Le Faiseur de théâtre de Thomas Bernhard par Christophe Perton - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Déjazet
André Marcon dans Le Faiseur de Théâtre. Crédit : Fabien Cavacas

de Thomas Bernhard / mes Christophe Perton

Publié le 24 janvier 2019 - N° 273

La saison dernière, il créait Au But au Poche-Montparnasse. Aujourd’hui, au Théâtre Déjazet, Christophe Perton poursuit son avancée dans l’œuvre de Thomas Bernhard avec une mise en scène déséquilibrée du Faiseur de théâtre.

C’est l’un des grands rôles du répertoire moderne. Un rôle ample, escarpé, d’une exigence vertigineuse. Un rôle tenant du quasi monologue, écrit par Thomas Bernhard en 1984. Emblématique des personnages volubiles et atrabilaires qui font la profondeur, mais aussi la drôlerie, du théâtre de l’auteur autrichien (disparu en 1989, à l’âge de 58 ans), le comédien Bruscon s’épanche sur les aléas inhérents à l’exercice de l’art dramatique par le biais d’un flot ininterrompu de paroles. Ce « Faiseur de théâtre » va du particulier au général, ne faisant l’économie d’aucune récrimination, d’aucune digression, d’aucune considération concrète ou philosophique sur sa condition d’homme de scène. Pour incarner ce personnage monumental, il faut un grand interprète. Christophe Perton a choisi André Marcon. On sait avec quelle virtuosité le comédien porte, depuis plus de 30 ans, la voix si singulière de Valère Novarina (Le Monologue d’Adramélech, Le Discours aux animaux…). A travers celle tout aussi personnelle de Thomas Bernhard, André Marcon fait une nouvelle fois preuve d’une étonnante densité dramatique.

Le chant du cygne d’un comédien atrabilaire

Naissent ainsi de saisissants moments d’intériorité et d’émotion qui devraient être mis en perspective par autant de jaillissements comiques. Ces éclats de cocasserie manquent au spectacle. Enfermée dans une vision de mise en scène essentiellement crépusculaire (les tentatives de farce des seconds rôles – Barbara Creutz, Jules Pelissier, Agathe L’Huillier, Eric Caruso et Manuela Beltran – tombent à plat), la tragi-comédie de Thomas Bernhard se transforme en chant du cygne. Comme si Christophe Perton s’était attaché à rendre cette pièce plus austère, moins prosaïque, plus élégante qu’elle ne l’est réellement. Exit, ainsi, la salle de campagne improbable au sein de laquelle Bruscon et sa famille débarquent pour jouer le soir même (le décor évoque, en miroir, l’intérieur du Théâtre Déjazet). Exit, de même, les références à la trivialité d’une vie campagnarde dédiée à la préparation du boudin. Ces nombreuses coupes et cette transposition malhabile déséquilibrent Le Faiseur de théâtre (texte publié par L’Arche Editeur). Projeté au centre d’une représentation sans véritable centre de gravité, André Marcon avance seul. Il rejoint de la sorte, assez paradoxalement, la solitude de son personnage : un artiste qui peine à trouver dans le monde l’écho qu’il souhaiterait voir donné à ses rêves de théâtre.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Le Faiseur de théâtre de Thomas Bernhard par Christophe Perton
du lundi 14 janvier 2019 au samedi 9 mars 2019
Théâtre Déjazet
41 boulevard du Temple, 75003 Paris

Du lundi au samedi à 20H30. Relâche le dimanche. Durée de la représentation : 1h55. Tél. : 01 48 87 52 55. www.dejazet.com

Egalement, le 12 mars 2019 à la Maison des Arts du Léman à Thonon-les-Bains, le 15 mars au Théâtre Liberté à Toulon, du 9 au 13 avril au Théâtre des Célestins à Lyon.

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