La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Direktor d’après Lars von Trier, mis en scène par Oskar Gomez Mata

Le Direktor d’après Lars von Trier, mis en scène par Oskar Gomez Mata - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Bastille
Le Direktor © Steeve Iuncker

D'après Lars von Trier / Mes Oskar Gomez Mata

Publié le 28 février 2019 - N° 274

Adapté d’un film de Lars Von Trier, Le Direktor force la farce pour mener une réflexion sur notre rapport au pouvoir.

Le pitch est simple et efficace. Un directeur d’entreprise qui n’a jamais voulu assumer ses responsabilités engage un comédien pour jouer le patron à sa place et faire le sale boulot : vendre la boîte et licencier son personnel. Adapté d’un film de Lars Von trier, Le Direktor aligne ainsi quelques promesses, au début. Il établit un parallèle entre les rapports de force au théâtre et dans l’entreprise, et il ouvre la réflexion sur les difficultés à exercer le pouvoir. Oscar Gomez Mata rappelle d’ailleurs cette citation de Trier, à propos de son film : « Ce n’est jamais agréable de virer des gens. On n’a jamais envie. Ni de les engueuler ou de leur donner des ordres. Par contre, c’est toujours agréable de les augmenter. Si on avait le pouvoir de se dédoubler, on pourrait être le mec sympa qui augmente les gens pendant qu’un autre se charge de les virer. » On se dit donc qu’on va échapper pour une fois aux visions forcément et férocement critiques du monde du théâtre sur celui de l’entreprise. D’autant qu’Oscar Gomez Mata se plaît habituellement à analyser avec finesse nos comportements sociaux, nos relations humaines, en ethnographe de la scène qui n’hésite pas à verser du côté des formes alternatives, par exemple avec Cromlech, créé en 2015, qui oscillait entre l’installation et la performance.

Les vices de l’entreprise moderne

On ne sera pas déçu de ce point de vue. Le rapport au pouvoir est en effet traversé de manière dialectique et bien balancée. Chaque dominé devenant à son tour un dominant, on échappe aux versions manichéennes qui peuvent être servies sur le sujet. Malheureusement, le caractère burlesque du film de Trier peine davantage à passer la rampe. Excès d’engagement des acteurs ? Dans tous les cas, quand la farce ne prend pas, l’énergie déployée sur scène peut paraître surdimensionnée. Le comédien recruté pour jouer au patron est lâche et incompétent à souhait. L’acheteur islandais aussi exotique et menaçant qu’un mafieux de série B asiatique. Leurs rencontres sont improbables et farfelues. Les vicissitudes pour finaliser le rachat de l’entreprise laissent planer un suspens sur l’issue morale donnée à la fable qui s’épuise cependant à force d’être retardée. Et puis, les mêmes critiques sur l’entreprise, avec le langage managérial et marketing qu’on croyait laissé de côté, reviennent par la fenêtre. Montée comme une farce qui multiplie les mises en abyme et traverse abondamment les frontières entre réalité théâtrale et fiction de la fable, Le Direktor propose une tentative originale qui se rate un peu, surtout quand elle reprend les rails des critiques habituelles sur les vices de l’entreprise moderne. Vices qui ne trouvent pas ici leur meilleure forme de dénonciation.

Eric Demey

A propos de l'événement

Le Direktor d'après Lars von Trier, mis en scène par Oskar Gomez Mata
du mardi 12 mars 2019 au jeudi 4 avril 2019
Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette, 75011 Paris

à 20h, relâche les dimanche et le jeudi 14. Tel : 01 43 57 02 14. Durée : 2h20. Spectacle vu au festival la Bâtie à Genève.

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