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Théâtre - Critique

« Le Cimetière des voitures », Gil Galliot fait revivre l’écriture insolite de Fernando Arrabal, une belle réussite !

« Le Cimetière des voitures », Gil Galliot fait revivre l’écriture insolite de Fernando Arrabal, une belle réussite ! - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l'Epée de bois
Le Cimetière des voitures, mis en scène par Gil Galliot. © Barbara Buchmann

Théâtre de l’Épée de Bois / texte Fernando Arrabal / mes Gil Galliot

Publié le 6 avril 2024 - N° 320

Dans la grande salle du Théâtre de L’Épée de Bois, Gil Galliot fait revivre l’écriture insolite et hétéroclite de Fernando Arrabal. Le metteur en scène s’empare du Cimetière des voitures, qu’il mêle à de brefs extraits du Livre de l’Apocalypse et d’œuvres poétiques de l’auteur d’origine espagnole. Un joli objet de curiosité, comme surgi d’une autre époque.

Né en 1932 dans l’enclave espagnole de Melilla, sur la côte nord du Maroc, Fernando Arrabal a fui le franquisme en 1955 pour s’installer en France, où il réside toujours. Connu pour ses œuvres extravagantes et son esprit libertaire, cet homme de lettres, de théâtre et de cinéma, longtemps censuré dans son pays d’origine, est devenu l’un des fers de lance de l’avant-garde artistique de années 1960 en fondant, avec Roland Topor et Alejandro Jodorowsky, « l’anti-mouvement » d’inspiration anarchiste Panique. A la même époque, c’est dans notre pays que se joue pour la première fois Le Cimetière des voitures (El Cementerio de automóviles, écrit en 1958, créé en 1966), texte au lyrisme baroque qui nous plonge dans l’univers foutraque d’une société pré ou post-apocalyptique. On y trouve des carcasses de voitures et des humains paumés qui vivent dans la pauvreté, qui subissent les lois autoritaires d’un pouvoir despotique. Au sein de ce monde aux frontières de l’absurde, la musique est interdite. Les femmes ont presque toutes disparu. Un jeune musicien prénommé Emanou fait figure de messie. Il tente de réveiller la conscience de ses semblables en organisant des concerts clandestins.

Un monde extravagant, entre noirceur et grotesque

Pour tirer de l’oubli cette pièce exubérante, Gil Galliot a choisi d’être fidèle au foisonnement et à l’outrance qu’a toujours revendiqués Fernando Arrabal. Grand bien lui en a pris. Sa mise en scène est une belle réussite. Dans une atmosphère de cloaque rendue pleinement concrète et énigmatique par la scénographie d’Alain Lagarde, les six interprètes (Marjory Gesbert, Guillaume Geoffroy, Jérémy Lemaire, Frédéric Rubio, Clément Vieu, Pascal Castelletta) sont entièrement cagoulés. Leur apparence crée une forme d’étrangeté extrêmement ingénieuse. Un mystère s’installe sans nous tenir à distance des pensées sur le non-avenir de l’homme et du monde que charrie cette parabole dystopique. On voit passer un chœur qui cite l’Apocalypse. Deux clowns entrent, eux aussi, régulièrement sur scène. En toute naïveté, ils tentent d’organiser leur vie en démêlant le bien du mal, le juste de l’injuste. Quant aux autres personnages, ils sont coincés dans des rapports alternatifs de soumission et de domination. Emanou, lui, colle aux pas de Jésus. Dans ce monde chaotique, le nouveau christ est un rebelle, un hors-la-loi. Il joue de la musique pour les pauvres : ceux qui n’ont pas d’argent pour aller au bal.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Le Cimetière des voitures
du jeudi 4 avril 2024 au dimanche 21 avril 2024
Théâtre de l'Epée de bois
Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris

Le jeudi et le vendredi à 21h, le samedi à 16h30 et 21h, le dimanche à 16h30. Tél. : 01 48 08 39 74. Durée : 1h30.

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