Le Chagrin
La Colline / mes de Caroline Guiela NGuyen
Publié le 17 avril 2015 - N° 232Après avoir enflammé public et critique avec Elle brûle, présenté l’année dernière à la Colline, Caroline Guiela Nguyen crée Le Chagrin, qui s’avère moins captivant.
La compagnie des hommes approximatifs fait partie de cette vague montante de collectifs qui privilégient l’écriture de plateau. A chacun sa méthode, derrière ce terme générique. Celle des hommes approximatifs reposait jusque là sur des trames romanesques revisitées. Elle brûle avait ainsi donné une étonnante version de la vie – et la mort – d’Emma Bovary. Pas de support romanesque, cette fois-ci, pour Le Chagrin, qui développe cependant une histoire de famille assez classique : un homme meurt et, à cette occasion, sa fille retourne dans sa campagne natale, y retrouve ses racines et sa famille qu’elle avait quelque peu délaissée pour mener sa vie à Paris. Une structure à la Lagarce, où, autour de l’absent décédé, chacun revisite le passé, les histoires et les liens qui les ont constitués. Nous sommes faits de ceux qui ont habité notre enfance et des histoires qui nourrissent notre légende familiale.
Une inquiétante étrangeté
Sur le plateau, Caroline Guiela Nguyen, artiste associée à la Comédie de Valence, reconduit l’expérience de mêler comédiens amateurs et professionnels. Une manière de chercher à faire coïncider le jeu et l’être, de préférer la vérité des corps et des personnes à la technique du comédien. Bien lui en prenne car on y gagne en effet de réel, en émotion et en simplicité. Mais, dans le travail de la compagnie, le réalisme entre souvent en tension avec une atmosphère plus fantastique, qui flirte parfois avec l’absurde. Ici, les quatre personnages principaux sont tous affairés à des activités manuelles – avec du terreau, des poupées, des fleurs, des bulles de savon – de manière quasi compulsive. Dans un décor aux teintes bleues peuplé de maintes figurines enfantines, les liens qui se resserrent autour du disparu se recomposent à travers ces occupations obsessionnelles, dans un ordre non chronologique qui contribue également à faire naître une inquiétante étrangeté. Dans un premier temps, on se plaît à se laisser emporter dans cet univers singulier où présent et passé se télescopent allègrement. Mais le jeu de pistes d’une narration fragmentée et de personnages évasifs fait progressivement vaciller l’intérêt du spectateur. Petit à petit, on renonce ainsi à s’attacher aux protagonistes et à leur devenir. Comme si l’originalité de la forme, au demeurant réelle et intéressante, nuisait quelque peu à l’intérêt de l’histoire qui se déploie sous nos yeux.
Eric Demey
A propos de l'événement
Le Chagrindu mercredi 6 mai 2015 au samedi 6 juin 2015
Théâtre national de la Colline.
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France
du mercredi au samedi à 21h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h. Tel : 01 44 62 52 52. Spectacle vu à la Comédie de Valence. Durée : 1h30.