Le Cantique des cantiques
En tournée / Chor. Abou Lagraa / mes Mikaël Serre / d’après le Cantique des cantiques trad. Olivier Cadiot et Michel Berder
Publié le 22 septembre 2015 - N° 236Abou Lagraa s’attaque au Cantique des Cantiques, monument poétique de la Bible, pour créer une danse contemporaine narrative « à la portée de tous » en ouverture de La Maison de la danse de Lyon.
Ce n’est pas un mince paradoxe que de choisir cette écriture complexe, énigmatique, et venue d’un autre âge, pour ancrer dans les corps une parole immédiatement intelligible pour le plus grand nombre. C’est pourquoi le chorégraphe franco-algérien s’est adjoint le metteur en scène Mikaël Serre et a choisi la traduction d’Olivier Cadiot et Michel Berder qui, effectivement, donne au texte un souffle d’actualité. Mais s’atteler à une poétique aussi mystérieuse suppose déjà une interprétation. Pour Abou Lagraa, il s’agit d’extraire « l’amour de l’hypocrisie». Et pour ce faire, il choisit de faire jouer l’homme et la femme par deux comédiennes, car le poème parle « de toutes les formes de sexualité ». Sur le plateau, délimité par un rideau de fils sur lequel sont projetées des images, la danse est fébrile, rapide, spasmodique. Les corps précipités dans l’urgence, vrillent, se tordent, ou s’éploient en interrogations langoureuses où domine, malgré tout, la violence.
Une passion sans religion
Le texte, d’un érotisme intense, démultiplie le rapport amoureux dont il est question dans le poème, en autant de duos, de trios, figures du désir, de la fuite, de la fusion et de la lutte, comme autant de désordres licites ou illicites. Les six danseurs sont extraordinaires dans la fulgurance de leurs mouvements, leur gestuelle vibrante et sensuelle, et, fait rare, les comédiennes ne sont pas en reste, et se meuvent avec une belle aisance. Les projections en fond de scène enlacent avec malice religion et sexualité, en faisant apparaître par exemple une femme portant le niqab qui se métamorphose en sainte chrétienne au corps dénudé… Reste le poids du sens que suppose toute narration. Là, il est un peu trop massif – au sens pondéral du terme. Non seulement le texte est déclamé – quand il n’est pas hurlé – façon antique et surjoué, mais la gestuelle se fait parfois trop explicite, comme dans la scène du viol ou celle où les danseurs « font l’amour avec le sol ».À la fin, s’affichent des textes tirés de la charte des Droits de l’Union européenne, traitant de la tolérance, ou de l’interdiction de refouler les peuples… faisant signe vers notre actualité la plus brûlante. C’est louable et nécessaire, mais ça manque un peu de subtilité…
Agnès Izrine
A propos de l'événement
Le Cantique des cantiquesdu vendredi 16 octobre 2015 au dimanche 22 mai 2016
En tournée. Le 16 octobre au Théâtre Jean-Vilar de Suresnes, les 24 et 25 novembre à Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy, les 8 et 9 janvier au Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence, les 26 et 27 janvier à l’Espace des Arts, Scène Nationale de Chalon-sur-Saône, le 19 février au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine, et du 20 au 22 mai au Gémeaux, Scène Nationale de Sceaux. Spectacle vu à Maison de la Danse de Lyon. Durée : 1h.