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Transcendant les contraintes sanitaires, Sylvain Groud et les magnifiques interprètes du Ballet du Nord nous convient avec 4 m2 à une expérience riche et rare, au cœur de l’art chorégraphique.
Rarement œuvre chorégraphique n’aura témoigné avec autant d’acuité de notre présent. Empêché comme nous tous dans ses activités par le confinement, puis entravé par des contraintes drastiques aussi bien sur les lieux de répétition que de monstration, le Ballet du Nord mené par Sylvain Groud a pris le parti de la transcendance. C’est ainsi, appliquant à la lettre les consignes sanitaires, que le chorégraphe a imaginé le dispositif de 4 m2. Onze boîtes de deux mètres sur deux dans lesquelles sont enceints par du film transparent (recyclé et recyclable) dix danseurs et un musicien se déploient sur le plateau. Le public, lui, est tour à tour invité par grappes à déambuler entre elles, suivant un parcours que l’on peut qualifier de muséal, et à s’installer dans des gradins, pour recueillir une vue d’ensemble de la composition, dont fait partie le parcours du reste des spectateurs. C’est ainsi également, demandant à ses danseurs de replonger dans leurs vies enfermées, qu’il a créé pour chacun d’entre eux des soli que viennent interrompre improvisations et rendez-vous choraux. Voir les dix magnifiques interprètes danser l’ennui, la paresse, la colère ou l’angoisse, sublimant un quotidien fait de flâneries, d’exercices physiques, de regards curieux chez le voisin, de solitude ou de lien distancié, ravive nos souvenirs et unit l’assemblée dans la mémoire, colorée par les notes électro de l’excellent Malik Berki, d’une étrange traversée aussi largement partagée qu’intime.
Une expérience au cœur de l’art chorégraphique
Mais alors que l’on chemine dans ce labyrinthe de cubes habités, un regard plonge profondément et longuement dans le nôtre, nous accroche. Un peu plus tard on surprend une interprète mimant, dansant, les gestes d’une promeneuse tandis que la main d’un autre, déformant la paroi de sa cage, ou de son abri, joue avec celle tendue d’une spectatrice. Et quand soudainement, dans un élan résolu, la danse se fait superbement chorale, la sensation étrange et délicieuse d’assister à un spectacle depuis le plateau nous envahit. Qui d’autre que Sylvain Groud, qui a renommé le Ballet du Nord CCN et Vous ! et défend la culture avec tous plutôt que pour tous, pouvait imaginer en pleine pandémie de rapprocher encore un peu plus danseurs et public, plongeant ce dernier au cœur de l’art chorégraphique ? C’est à une expérience rare, riche et intense qu’il nous convie avec 4 m2. Il faut la vivre absolument et la revivre sûrement.
Delphine Baffour
Le 7 octobre, départ toutes les 15 mn de 19h à 21h30. Tél. 03 27 32 32 32. Durée : 1h. Spectacle vu au Grand Bleu, Lille.
Également le 27 novembre au Musée du Louvre-Lens.
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