La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Laurent Laffargue

Laurent Laffargue - Critique sortie Théâtre
Crédit : Phannara Bun

Publié le 10 avril 2010

Retour aux sources

Artiste associé au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, Laurent Laffargue y mène depuis juin 2009 les étapes d’une autofiction théâtrale : écriture, interprétation seul en scène de la première mouture de Casteljaloux, avant la création en 2011 de sa deuxième version pour dix comédiens et un chien…

Définissez-vous ce projet comme celui d’une autofiction ?
Laurent Laffargue : C’est plus compliqué que ça. L’histoire est inspirée de personnages qui ont vraiment existé et d’anecdotes qui se sont vraiment passées, mais d’autres sont totalement inventés. Le texte emprunte donc à la réalité mais comme il se construit sur la mémoire, on ne sait jamais où est le point de vérité. Je suis retourné à Casteljaloux, où j’ai grandi, pour poser des questions et essayer de recueillir des anecdotes sur la réalité d’aujourd’hui, mais bizarrement, ça ne m’a pas intéressé : je préférais travailler sur la mémoire. Sans être une psychanalyse, c’est pour moi une manière de me débarrasser des fantômes. Le passage par le jeu est aussi le moyen de me débarrasser de quelque chose : comme un passage pour être plus vierge au moment d’aborder le deuxième volet du projet où je ne jouerai pas.
 
Que décrit Casteljaloux ?
L. L. : Un certain bled, à une certaine époque, celle des années 80, et des petites gens, qui se font royalement chier dans leur vie. J’essaie d’en faire des héros tragiques tout en conservant le folklore de leur drôlerie. Ce qu’ils vivent n’est pas drôle mais eux sont drôles dans leur rapport à la vie, dans le ressenti de leur existence. Parfois, les mots leurs manquent mais malgré eux, ils font preuve de poésie. Romain, le personnage que je joue, réussit à fuir Casteljaloux grâce au théâtre et grâce aux mots qui forgent la pensée. C’est un apprenti voleur mais aussi un acteur en apprentissage et le théâtre est pour lui une forme d’échappatoire. Romain réussit à partir et est pris en cela dans une forme de culpabilité : il faut à la fois un certain courage et une certaine lâcheté pour parvenir à l’abandon.
 
 « Un certain bled, à une certaine époque, celle des années 80, et des petites gens… »
 
Quel est le sens de ce projet à cette étape de votre carrière ?
L. L. : Ce geste constitue unemise en danger. D’abord parce que ça fait dix ans que je ne suis pas monté sur scène, ensuite parce qu’il y a une prise de risque à l’endroit de l’écriture. Je fais toujours les choses en espérant qu’elles me fassent avancer et là, j’ai l’impression que c’est une étape importante. L’étape suivante sera jouée par dix comédiens et mon rêve est d’en faire un film après. Il est intéressant de raconter la même histoire de manières différentes : c’est alors qu’on interroge vraiment ce que c’est que mettre en scène. Seul, c’est plus épique : seul, ça se raconte ; à dix, ça se joue ! J’ai aussi ressenti la nécessité de cette pièce avec l’impression qu’il était important de revenir à la source. Servir les auteurs est quelque chose dans lequel je trouve mon équilibre, cette passion m’élève. Ce nouveau projet est peut-être une quête de liberté : on passe sa vie à chercher d’où on vient. Ici, j’assume pour la première fois d’où je viens, peut-être pour encore mieux servir ce métier. Mais peut-être continuerai-je aussi d’écrire, ce qui, comme jouer, me remplit pleinement…
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Casteljaloux (1ère version), écrit, mis en scène et joué par Laurent Laffargue ; en collaboration avec Sonia Millot. Du 31 mars au 17 avril 2010. Mardi et jeudi à 20h ; mercredi, vendredi et samedi à 21h ; dimanche à 16h30. Relâche exceptionnelle le 4 avril. Théâtre de la Commune – Centre Dramatique National d’Aubervilliers, 2, rue Edouard-Poisson, 93300 Aubervilliers. Réservations au 01 48 33 16 16.

A propos de l'événement


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