Céleste, ma planète de Timothée de Fombelle : un excellent spectacle familial mis en scène par Didier Ruiz
Aventure écologique, amoureuse et [...]
Bien au-delà des clichés, de la compassion facile, ce deuxième volet de la trilogie consacrée à l’exil forcé par l’écrivain et metteur en scène haïtien Guy Régis Jr est d’une renversante puissance poétique. Un spectacle magnifique et terrible qui donne visage à la tragédie des boat-people.
Avec La Trilogie des Dépeuplés signée par Guy Régis Jr, une hémorragie prend figure : celle qui frappe Haïti en particulier et affecte, plus largement, tous ces pays où, pour des raisons variées, ceux qui les peuplent sont poussés à l’exil par désespoir. Le premier volet, intitulé Etalé deux pieds devant (Le Père), met en scène le retour, dans un cercueil, de celui sur qui tout reposait, de ce père parti aux Etats-Unis pour frayer une perspective d’avenir. Le troisième volet, Et si à la mort de notre mère (La Mère), s’attache au retour de la figure maternelle, malade, en terre natale chez son fils aîné, lequel, à son tour, envisage la possibilité du départ une fois libéré des contraintes familiales qui pèsent sur lui. Entre les deux, il y a L’amour telle une cathédrale ensevelie (Le Fils), épopée singulière, tragique, d’un fils « intrépide », qui, ayant aidé sa mère désormais installée à Montréal et mariée à un canadien retraité, se décide à la rejoindre en montant à bord de l’une de ces embarcations d’infortune qui s’abîment régulièrement en mer. La pièce sublime ce que l’actualité, dans son flux ininterrompu d’informations, tend à noyer. Elle nous oblige à nous arrêter, à prêter attention à ces événements récurrents dont on ne devrait pas permettre qu’ils puissent avoir jamais lieu.
Une merveilleuse séquence lyrique
Cinématographié in vivo, le grand large, pleine mer dans toute l’amplitude de ses mouvements imprévisibles, surplombée de cieux encombrés dont les reflets aciers découpent la crête des vagues, sert de toile de fond aux prémices du spectacle. Une estrade de la largeur du plateau enferme, comme le ferait un aquarium, un salon seulement meublé de deux canapés aux lignes épurées placés face à face aux deux extrémités. En contrebas, on devine une étendue de sable bordée d’eau. L’espace suggestif, à double détente, dessiné par la superbe scénographie de Velica Panduru, exalte le propos ; du salon, où s’exprime l’angoisse de l’attente dans la dispute d’un couple aux abois, à l’espace mer, où se joue la tragédie de la traversée. Les interprétations du couple haïtien-canadien, formé par Nathalie Vairac (la mère), Frédéric Fachena (le mari, en alternance avec François Kergoulay), sont formidables dans l’expression poétique et chorégraphique de leurs déchirements respectifs. La séquence lyrique, sorte d’oratorio ménagé au cœur de la pièce, est un sommet. Inspirée par des chants caribéens sacrés, chantée à quatre voix sur des compositions originales d’Amos Coulanges, et surlignée par un fondu enchaîné d’images de ces naufrages épouvantables, elle donne, avant tout, à entendre et à voir la beauté de ces humanités, saccagées et sacrifiées.
Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
Du mardi au samedi à 20h30, les dimanches à 16h30.
Durée : 1h30.
Tél : 01 43 28 36 36.
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