La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

L’affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche, mise en scène Justine Vultaggio

L’affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche, mise en scène Justine Vultaggio - Critique sortie Théâtre Paris _Le Lucernaire
L’affaire de la rue de Lourcine mise en scène par Justine Vultaggio CR : Kobayashi

Théâtre du Lucernaire

Publié le 17 décembre 2021 - N° 295

La compagnie des Modits renoue maladroitement avec ce qu’elle imagine du théâtre d’antan. Une version décevante de la fameuse affaire de la rue de Lourcine.

Retour en arrière d’un siècle et demi. Du temps où les théâtres fleurissent à Paris. Âge d’or d’un art alors au sommet de sa popularité, divertissement de masse qui fait la une des journaux et alimente les conversations des cercles bourgeois. Le théâtre de boulevard triomphe et avec lui Eugène Labiche qui, avec Albert Monnier et Edouard Martin, signe en 1857 cette affaire de la rue de Lourcine, pièce en un acte autour d’un lendemain de cuite. Dans cette comédie, en effet, Oscar Lenglumé se réveille avec un homme dans son lit et apprend par les journaux qu’ils sont tous deux les auteurs probables d’un crime horrible commis sur une charbonnière dans cette fameuse rue de Lourcine. À boire comme des trous, on peut avoir des trous de mémoire. Et la mémoire défaillante de Lenglumé et de son comparse Mistingue les pousse à tout faire pour effacer les traces d’un meurtre qu’en réalité ils n’ont pas commis, risquant ainsi d’aggraver un cas qui, en fait, ne l’était pas, grave. Les cas, en fin de compte, ce sont plutôt eux. Ces deux mâles lâches, buveurs et irresponsables, qu’intéressent avant tout l’argent, l’alcool et le fait de sauver leur peau. L’un est bourgeois, l’autre du peuple, mais chaque classe en prend pour son grade dans une pièce sans grande dimension satirique, car son intérêt est bien davantage qu’elle construit une redoutable mécanique théâtrale.

Quiproquos, apartés et passages chantés

En effet, entre quiproquos, apartés et passages chantés, sur fond de querelles conjugales, Labiche utilise pas mal des ingrédients de la comédie de divertissement, le tout en un seul acte. C’est sans doute en ce concentré de procédés, agencés en crescendo, que réside toute la saveur de la pièce, pourvu que sa représentation acquière une certaine intensité. Celle dirigée par Justine Vultaggio, qui joue également la femme de Lenglumé et fait au passage apprécier ses qualités de chanteuse lyrique, a voulu coller à son idée du modèle original. Mobilier et costumes d’époque, Mistingue, comme c’est dit dans le texte, a bien le nez tout rouge. Seul écart, quelques passages chantés sont modifiés et conduits sur des mélodies plus modernes comme C’est pas l’homme qui prend la mer de Renaud. Mais le rythme est lent, les apartés se font toutes face public, les effets comiques sont soulignés plutôt qu’intégrés dans le feu de l’action, les cris d’effroi et les rires des comédiens retentissent trop fort. Jamais on ne touche à la grâce de la comédie qui s’emballe. Loin de là, la pièce s’enlise dans un jeu maladroit et une étonnante absence de rythme, et ses chorégraphies sommaires et chants approximatifs ne peuvent pas la sauver.

Eric Demey

A propos de l'événement

L’affaire de la rue de Lourcine
du vendredi 3 décembre 2021 au dimanche 23 janvier 2022
_Le Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris

à 20h, le dimanche à 17h, relâche le lundi. Tel : 01 45 44 57 34. Durée : 1h

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