La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Tragédie de Siâvosh

La Tragédie de Siâvosh - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Epée de Bois
Crédit photo : Virginie Bernard Légende photo : David Weiss et Marion Denys dans La Tragédie de Siâvosh.

Théâtre de l’Epée de Bois / d’après Ferdowsi / texte et mes Farid Paya

Publié le 29 mai 2014 - N° 221

Après le succès de Rostam et Sohrâb, spectacle créé en 2012, Farid Paya complète sa Trilogie Ferdowsi avec deux nouveaux volets, installant les conditions scéniques d’un théâtre des merveilles.

Des combats et des caresses, des hommes courageux et des femmes traîtresses, des guerriers et des favorites, un prince vertueux et des rois gagnés par l’ivresse imbécile du pouvoir et la soif inextinguible du sang des ennemis, une magicienne vicieuse, des fœtus avortés et une ordalie par le feu : on se retrouve devant l’histoire de Siâvosh comme un enfant avide de récits terrifiants et drôles, comme les invités réunis pour une veillée, comme les membres d’une communauté ancestrale installés en cercle autour d’un sorcier enthousiaste : pantelant et ravi ! Un plateau nu, des artifices simples et économes (un peu de fumée, quelques pétales tombés des cintres), des costumes chatoyants (magnifique ouvrage d’Evelyne Guillin), une musique fascinante et suggestive qui fait souffler la tempête, cliqueter les armes, retentir les mortelles alarmes et bruisser les langueurs du harem (remarquable composition de Bill Mahder) : comme toujours dans le travail de Farid Paya, l’humilité revendiquée des moyens et la volonté d’un art sans affèteries laissent aux comédiens la tâche de faire naître, par la seule puissance du jeu, l’univers merveilleux dont la scène devient le cadre.

Aristocratique lecture du Livre des rois

Toute la troupe s’empare de la légende de Siâvosh avec autant de grâce dans le délié que de force dans l’effusion. Ce nouvel épisode du Shâh-Nâmeh (Le Livre des rois, composé il y a dix siècles par le grand poète Ferdowsi, qui y a transcrit toute la mythologie iranienne) raconte l’histoire du très sage fils de Kâvous, roi d’Irân. Le valeureux Rostam lui a tout appris de l’art politique et de celui de la guerre ; et lorsque Tourân attaque Irân, Siâvosh est chargé de défendre la terre de son père des appétits féroces du pays de sa mère… Les héros de cette Perse mythique ne sont pas sans rappeler des figures des légendes et de la tradition littéraire occidentales. L’apprenti structuraliste se plaira à retrouver Shakespeare chez Ferdowsi, Merlin en Rostam et Alexandre dans les traits de Thibault Pinson (Siâvosh). La connaissance très précise que possède Farid Paya de ce fonds universel, dans lequel il a souvent puisé, lui offre les moyens d’un spectacle qui sait se garder du folklore, et qui vise la beauté et le sens au-delà de leur incarnation culturelle. Paya le Persan œuvre ainsi à révéler un monde mal connu en Occident. Il le fait dans un langage qui se rit des frontières et des préjugés : celui du talent, éblouissant dans La Tragédie de Siâvosh, à découvrir dans Rostam et Esfandiâr.

Catherine Robert

A propos de l'événement

La Tragédie de Siâvosh
du jeudi 5 juin 2014 au dimanche 29 juin 2014
Théâtre de l’Epée de Bois
75012 Paris, France

La Tragédie de Siâvosh. Du 5 au 29 juin 2014. Jeudi à 20h30 ; samedi à 16h ; dimanche à 15h30. Représentations scolaires les 6 et 26 juin à 14h. Rostam et Esfandiâr. Du 6 au 29 juin. Vendredi et samedi à 20h30 ; dimanche à 18h. Tél. : 01 48 08 39 74.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre