La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Rosa Blanca

La Rosa Blanca - Critique sortie Théâtre
©Bellamy Maryse Aubert, remarquable maître de cérémonie d’une tragédie moderne.

Publié le 10 avril 2009

Coup de projecteur sur l’histoire d’une hacienda convoitée par une compagnie pétrolière américaine : Adel Hakim prouve ici la pertinence dramatique et la force symbolique du théâtre.

Inspirée du roman de B. Traven, mort à Mexico en 1969, dont la véritable identité reste un mystère, La Rosa Blanca met en lumière un duel tragique à l’intensité digne d’un film de John Huston, au fil d’une intrigue à rebondissements ancrée dans l’histoire mexicaine. Deux mondes opposés s’affrontent. D’un côté, la vie “douce et paisible“ d’une hacienda régie par l’indien Yacinto Yanez, où depuis des générations vivent soixante-dix familles. Ce sont des usages ancestraux et non l’argent qui déterminent un mode de vie immuable, fondé sur la culture du maïs. De l’autre, l’appétit insatiable d’une compagnie pétrolière américaine, la Condor Oil de Chaney Collins, déterminée à acquérir cette terre par tous les moyens, y compris les plus brutaux et les plus véreux. En ce début du vingtième siècle, les champs pétrolifères à gros rendement investissent une partie du sol mexicain, y compris pendant le chaos insurrectionnel qui éclate en 1910. Les convoitises d’un capitalisme sans limites contre l’héritage quasi sacré de la terre et des coutumes : un face-à-face à l’issue prévisible. Comment mettre en scène un tel foisonnement, croisant de multiples personnages et lieux, croisant aussi aspect fictionnel et documentaire ?

Une économie de moyens étonnamment expressive

C’est là qu’intervient de remarquable façon la puissance symbolique et poétique du théâtre. Avec une économie de moyens étonnamment expressive, La Rosa Blanca mise en scène par Adel Hakim parvient à restituer toute la force dramatique de l’œuvre, grâce aux lumières et à la scénographie à la fois naïve et percutante d’Yves Collet et à l’interprétation sans faille de Maryse Aubert. Des objets miniatures configurent et symbolisent le réel dans toute son implacabilité, et la comédienne, tel un maître de cérémonie de cabaret affranchi des paillettes et de la gloire pour dévoiler une sordide humanité, donne voix au narrateur et aux personnages avec finesse et pertinence, faisant vivre une impressionnante  galerie de portraits. Evoquant l’univers du music-hall, évoquant aussi le cinéma des polars, la pièce met ainsi à jour un monde perverti abîmé par la course au profit, un monde sans horizon, bouleversé par le “progrès“, où la vie même ne vaut rien face au Dieu Dollar. Sur le plateau, l’hacienda, représentée par ses animaux et un tranquille rocking-chair, côté jardin, et côté cour l’immeuble de la compagnie à San Francisco, où le PDG gère non seulement l’entreprise mais aussi une vie privée dissolue où il doit entretenir des maîtresses au train de vie élevé. C’est à ce tarif que la déesse Betty et autres filles réservent leurs charmes à Collins. Sur scène aussi, un bouquet de roses blanches fragile, éphémère malgré la qualité d’éternité que Yacinto lui attribue. C’est avec une précision d’entomologiste que la mise en scène dissèque le processus tragique, sans sentimentalisme, mais avec un regard lucide et incisif, et une parfaite maîtrise.

Agnès Santi 


La Rosa Blanca d’après B. Traven, mise en scène Adel Hakim, du 16 mars au 19 avril, mardi à 20H, mercredi et jeudi à 19h, vendredi et samedi à 20h30, samedi et dimanche à 16h, au Théâtre Artistic Athévains, 45bis rue Richard Lenoir, 75011 Paris. Tél : 01 43 56 38 32. 

A propos de l'événement


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