La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Toujours la tempête

Toujours la tempête - Critique sortie Théâtre Paris Ateliers Berthiers
Alain Françon met en scène la dernière pièce de Peter Handke. © Michel Corbou

Ateliers Berthier / de Peter Handke / mes Alain Françon

Publié le 24 février 2015 - N° 230

Aux ateliers Berthier, Alain Françon met en scène la dernière pièce de Peter Handke, Toujours la tempête. Une plongée dans l’histoire de la Slovénie qui éclaire également son auteur.

Cette pièce est-elle marquée par le vécu de Peter Handke    ?

Alain Françon : Peter Handke est un slave, slovène par sa mère, élevé dans une famille de paysans catholique en Carinthie, province autrichienne où la langue slovène était minoritaire. Comme souvent à la campagne, ce devait être un endroit de récits, un endroit où l’on raconte les histoires du passé sans plus vraiment savoir qui a fait quoi, jusqu’à créer un véritable fonds commun d’histoires.

Et que raconte Toujours la tempête ?

  1. A.    F.  : Le texte est organisé autour de récits et de scènes dialoguées. Le personnage principal s’appelle « Moi » et fonctionne effectivement comme un double de l’auteur, mais la pièce n’est pas pour autant autobiographique. « Moi » y parle avec sa mère, trois oncles, une tante et ses grands-parents maternels. Ils retracent ensemble l’histoire de la famille mais aussi de la Carinthie suivant un fil chronologique des années 30 jusqu’à maintenant. La Carinthie appartient toujours à l’Autriche et la minorité slovène y a vu sa langue effacée. Pour Handke, cette question n’est toujours pas réglée. L’histoire de la région est aussi marquée  par la résistance que les Carinthiens ont opposée aux Allemands pendant la Seconde guerre mondiale, pour laquelle ils n’ont jamais été reconnus. Dans cette pièce, Handke témoigne d’un réel amour pour ses ancêtres, ces fantômes qu’il appelle « les pouilles mouillées ».

« C’est une fiction magnifique liée à un dialogue avec les ancêtres. »

Cette histoire éclaire-t-elle certaines prises de position de Handke    ?

A.F. : Il ne s’agit pas d’une entreprise de clarification mais cette pièce explique effectivement certaines choses. Milosevic est un des derniers députés à s’être opposé à l’explosion de la fédération yougoslave, et Handke est nostalgique de cette Yougoslavie où cohabitaient sans problème les différentes ethnies et religion. Handke avait écrit en 91 un texte intitulé «  ma Slovénie en Yougoslavie », répondant à l’appel «Il faut sauver la Slovénie » de Milan Kundera.

En quoi cette histoire nous concerne-t-elle    ?

A. F.  : D’une part, les problèmes régionaux restent ouverts, le sort de la minorité slovène et de son identité est toujours tragique. J’ai d’abord dit à Peter Handke : « Pourquoi moi, monterais-je cette pièce ? Je ne suis pas carinthien ». Puis, dès les premières lectures, l’authenticité des sentiments, extrêmement émouvante, m’a frappée. C’est une fiction magnifique liée à un dialogue avec les ancêtres et les personnages de la pièce sont tous porteurs d’histoires émotionnellement très fortes.

Propos recueillis par Eric Demey

 

A propos de l'événement

Toujours la tempête
du mercredi 4 mars 2015 au jeudi 2 avril 2015
Ateliers Berthiers
1 Rue André Suares, 75017 Paris, France

19h30, le dimanche à 15h, relâche le lundi. Tel : 01 44 85 40 40.

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