La Terrasse

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Théâtre - Critique

La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France

La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Béatrice Logeais Légende photo : « Un acrobate, un plasticien et un comédien réinventent le poème-monde de Blaise Cendrars. »

Publié le 10 juin 2009

Le metteur en scène d’origine hongroise Balazs Gera adapte au théâtre le poème enfiévré de Blaise Cendrars par le biais d’une triple partition : vocale, corporelle et picturale. Une proposition artistique faite de nébulosités, d’éclats, de résonances et d’impulsions.

Il se passe de nombreuses minutes avant que ne surgissent les premiers vers de La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France. De nombreuses minutes durant lesquelles la représentation élaborée par Balazs Gera se compose uniquement de paysages sonores hétéroclites, d’évanescences visuelles laissant entrevoir une sphère géante habitée d’ombres et de présences encore secrètes. Durant cette longue et belle introduction, la pulsation du spectacle semble se chercher et s’établir. Toutes sortes d’obscurités, d’échos, d’effets de transparences laissent peu à peu envisager la présence de ce globe translucide dans lequel le comédien Guillaume Gilliet, l’acrobate Mathieu Antajan et le plasticien Pascal Doudement vont donner corps, voix et couleurs au poème-monde écrit par Blaise Cendrars en 1912. Se proposant de prolonger la connivence créatrice qui lia le poète à Sonia Delaunay (qui peignit un accordéon de 2 mètres sur lequel furent imprimés les 446 vers libres de La Prose), les trois artistes réinventent, à travers une triple partition scénique, l’essence d’une matière poétique commune.
 
Un voyage entre vrai, faux et merveilleux
 
Cette matière vivante et mobile — issue de l’esprit d’un écrivain pour qui vie et poésie ne pouvaient être que des vases communicants — mêle vrai, faux et merveilleux. « Si j’étais peintre, je déverserais beaucoup de rouge, beaucoup de jaune sur la fin de ce voyage
/ Car je crois bien que nous étions tous un peu fou
/ Et qu’un délire immense ensanglantait les faces énervées de mes compagnons de voyage /
Comme nous approchions de la Mongolie
/ Qui ronflait comme un incendie
/ Le train avait ralenti son allure
/ Et je percevais dans le grincement perpétuel des roues
/ Les accents fous et les sanglots 
d’une éternelle liturgie ». Comme à l’intérieur d’un esprit obsessionnel, fantasque, malicieux, Guillaume Gilliet, Mathieu Antajan et Pascal Doudement arpentent l’espace de la sphère monumentale dans laquelle ils sont enfermés, le remplissent d’une polyphonie vocale, chorégraphique et plastique. Une polyphonie délicate, sensible et colorée, qui nourrit l’imaginaire du spectateur de toutes sortes de perspectives, l’invitant à suivre les cheminements de ses résonances personnelles. C’est ainsi à un très joli périple que nous convie Balazs Gera. Un périple d’une cinquantaine de minutes qui nous plonge dans un monde au sein duquel la poésie est faite de troubles et d’impulsions.
 
Manuel Piolat Soleymat


La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, de Blaise Cendrars ; mise en scène de Balazs Gera. Du 27 mai au 28 juin 2009. Du mercredi au samedi à 19h00, le dimanche à 15h00. Maison de la Poésie, passage Molière, 157, rue Saint-Martin, 75003 Paris. Renseignements et réservations au 01 44 54 53 00 et sur www.maisondelapoesieparis.com

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