La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Pomme dans le noir

La Pomme dans le noir - Critique sortie Théâtre Strasbourg Théâtre National de Strasbourg
Mélodie Richard, Dominique Reymond et Pierre-François Garel dans La Pomme dans le noir. Crédit : Christophe Raynaud De Lage

d’après Clarice Lispector / mes Marie-Christine Soma

Publié le 26 septembre 2018 - N° 269

Marie-Christine Soma adapte au théâtre Le Bâtisseur de ruines de l’écrivaine brésilienne Clarice Lispector (1920-1977). Sans vraiment parvenir à transmettre la force de cette grande écriture.

« Cette histoire commence au cours d’une nuit de mars, obscure comme l’est la nuit quand on dort. Le temps, qu’accompagnait la lune très haute dans le ciel, passait tout doucement. Plus au cœur de la nuit, la lune disparut… » Ce qui frappe d’emblée, aux premières pages du Bâtisseur de ruines*, roman publié par Clarice Lispector au début des années 1960 sous le titre A Maçã no escuro (La Pomme dans le noir), c’est la spécificité du regard et de la voix qui se présentent à nous. Ce regard et cette voix nous emportent, nous happent, littéralement, nous plongent dans les soubassements et les subtilités d’un univers qui tient à la fois du complexe et de l’évident, du métaphysique et du biologique, du lyrique et du quotidien. Car la littérature aventureuse à laquelle donne naissance l’esprit clairvoyant de l’écrivaine dépasse de loin les lignes de vie qui la traversent : un homme, Martin, ayant commis un crime, s’enfuit de chez lui et se met à errer, jusqu’à trouver refuge dans une exploitation agricole où il fait la connaissance de deux femmes, Victoria et Ermelinda. Plus qu’un simple récit, c’est tout un maillage de pensées et d’observations sur le rapport du vivant à son environnement, à ses origines, à son existence qui se déploie et nous emporte, nous gagne à la cause de sa perspicacité comme de son étrangeté.

La ligne de crête d’une histoire

L’une des forces de cette écriture est ainsi de nous entraîner dans ses particularismes, de nous amener à faire un pas de côté pour regarder les choses comme elle-même les regarde. Le spectacle que présente Marie-Christine Soma au Théâtre national de Strasbourg (créé en septembre 2017 à la MC93) n’a pas cette puissance d’attraction et d’entrainement. Pourtant interprétée par un quatuor d’excellents comédiens (Carlo Brandt, Pierre-François Garel, Dominique Reymond et Mélodie Richard), cette proposition nous laisse à l’extérieur des souffles et des étonnements du Bâtisseur de ruines. Il faut dire que l’adaptation que signe la metteure en scène-éclairagiste privilégie quasi exclusivement les éléments factuels du récit. Au détriment de la matière principale de la narration : des panoramas poétiques, introspectifs et existentiels stupéfiants. Cette Pomme dans le noir donne corps à un théâtre élégant, mais somme toute assez convenu. Elle se contente de tracer la ligne de crête d’une histoire qui relate la possible rédemption d’un homme tentant de se réinventer. Tout cela est assez peu de choses au regard du monde pénétrant, déroutant, imposant que fait surgir Clarice Lispector au sein de son roman.

Manuel Piolat Soleymat

* Editions Gallimard, traduction de Violante Do Canto.

A propos de l'événement

La Pomme dans le noir
du mardi 18 septembre 2018 au vendredi 28 septembre 2018
Théâtre National de Strasbourg
18 rue Jacques Kablé, 67000 Strasbourg.

Du lundi au samedi à 20h. Relâche le dimanche 23 septembre. Tél. : 03 88 24 88 24. www.tns.fr. Egalement au Centre dramatique national Besançon - Franche-Comté les 2 et 3 octobre 2018.

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