La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La nostalgie du futur

La nostalgie du futur - Critique sortie Théâtre Bordeaux TnBA – Théâtre du Port de la Lune
© Sébastien Huste La nostalgie du futur

TnBA – Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine / mes Catherine Marnas

Publié le 11 octobre 2018 - N° 269

Avec le philosophe Guillaume Le Blanc, Catherine Marnas entreprend dans La nostalgie du futur de mettre la pensée critique de Pasolini à l’épreuve du présent. Et inversement.

Quarante-trois après son assassinat sur une place d’Ostie, dans l’Italie des années dites « de plomb » marquée par une violence sans précédent, l’œuvre du cinéaste, essayiste, dramaturge, poète et romancier Pier Paolo Pasolini est encore régulièrement brandie comme un appel à la résistance contre les différentes formes de fascisme. Contre le conformisme. Ainsi, pour Catherine Marnas, directrice du Théâtre de Bordeaux en Aquitaine, celui qui déplorait en 1975 dans ses Écrits corsaires la « disparition des lucioles » est-il un « frère d’armes ». Un « Jiminy Cricket », dit-elle sur la feuille de salle de La nostalgie du futur, créé en ouverture de saison dans le cadre du Festival International des Arts de Bordeaux Métropole (FAB). Après avoir monté puis adapté son Premier conte sur le pouvoir, elle revient à son œuvre d’une manière plus globale et analytique en organisant une rencontre dont on pouvait attendre le meilleur : entre des textes de Pasolini – Écrits corsaires, Lettres luthériennes, Qui suis-je, Poèmes et sa dernière interview, Nous sommes tous en danger –, autant de films, et la prose du philosophe Guillaume Le Blanc. Des oiseaux, petits et gros (1966), long métrage où un père et son fils errent accompagnés d’un corbeau, sert de fil conducteur pour dialoguer avec l’œuvre de Pasolini. Avec sa nostalgie, dans laquelle lui et Catherine Marnas voient non pas un réflexe conservateur, mais au contraire une pensée tournée vers l’avenir. Une inquiétude du lendemain.

Mosaïque de « vies minuscules »

La nostalgie du futur s’ouvre sur la reconstitution d’une bagarre masculine d’Accattone (1961), le premier film de Pasolini dont est ensuite projeté l’extrait correspondant. Catherine Marnas affiche ainsi son intention de questionner la place de l’œuvre et de la pensée de l’Italien dans nos sociétés contemporaines. Et non de lui rendre simplement hommage. Judicieux, ce parti-pris donne ensuite lieu à des formes diverses, qui font de la pièce une mosaïque au motif central difficilement lisible. Entre des récitations de textes par des comédiens (Julien Duval, Yacine Sif El Islam et Bénédicte Simon) à demi dissimulés derrière des écrans, des reconstitutions similaires à celle de la lutte initiale, des bribes de films et les dialogues écrits par Guillaume Le Blanc, La nostalgie du futur multiplie les tentatives de confrontation entre l’Italie vue par Pasolini et le monde actuel. Sans en faire naître autre chose que le constat d’une catastrophe qui ne cesse de s’approcher. Censées lier l’ensemble, les apparitions d’un couple de marcheurs (Olivier Pauls et Franck Manzoni) imaginé par le philosophe manquent de force pour dire la quête des « vies minuscules » auxquelles il a consacré un livre. Et dans lesquelles il voit la promesse de nouveaux mondes possibles. Ressassant leur marginalité d’une façon maladroitement clownesque, les deux errants ne sont pas à la hauteur de la tragédie contemporaine qu’ils évoquent. Ce qui, à la déception causée par l’absence d’une pensée forte sur le présent, ajoute une certaine gêne.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

La nostalgie du futur
du mardi 9 octobre 2018 au mardi 23 octobre 2018
TnBA – Théâtre du Port de la Lune
Place Pierre Renaudel, 33800 Bordeaux.

Du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 19h, le 11 à 21h et le 20 à 19h30. Tel : 05 56 33 36 80. www.tnba.org. Également du 6 au 10 novembre au Théâtre Olympia, CDN de Tours, et les 14 et 15 mai au Nord-Est Théâtre, CDN transfrontalier de Thionville-Grand Est.

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