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Théâtre - Entretien

La Fin de l’homme rouge d’après le roman de Svetlana Alexievitch par Emmanuel Meirieu

La Fin de l’homme rouge d’après le roman de Svetlana Alexievitch par Emmanuel Meirieu - Critique sortie Théâtre Sceaux Les Gémeaux

D’après le roman de Svetlana Alexievitch / adaptation et mes Emmanuel Meirieu

Publié le 24 janvier 2019 - N° 273

Emmanuel Meirieu, dont le talent se confirme de spectacle en spectacle, choisit d’adapter l’œuvre de Svetlana Alexievitch pour un hommage sensible aux victimes et aux orphelins de l’utopie communiste.

Pourquoi choisir cette œuvre ?

Emmanuel Meirieu : Je fais un théâtre face au public, où le documentaire se mêle à la poésie et à l’onirisme. La forme des écrits de Svetlana Alexievitch était donc faite pour moi : j’aime raconter des histoires individuelles prises dans les grands mouvements de l’Histoire. J’ai aussi, inutile de le cacher, des raisons biographiques : j’ai assisté à ma première réunion du PCF à cinq ans et j’ai grandi entouré de militants. Cette histoire est une partie de la mienne.

Quels personnages allez-vous choisir ?

E.M.: Ils sont tous magnifiques, mais sur les cinquante portraits du livre, je vais en retenir sept, en en mêlant peut-être certains pour n’en faire qu’un, voire en empruntant certains personnages à d’autres livres, comme La Supplication. Alexievitch le dit elle-même : ses sept livres qui n’en font qu’un racontent la fin d’une utopie. Je vais éviter l’aspect domestique en scénarisant les témoignages, car ils ne sont pas seulement des récits de vie quotidienne. Valentina, qui accompagne les derniers instants de son mari, liquidateur de Tchernobyl, à la fin de La Supplication, est d’abord et avant tout une grande amoureuse.

« Je m’intéresse plus aux émotions qu’aux faits historiques. »

Comment jugez-vous cette histoire ?

E.M.: Le spectacle ne jugera pas. Je ne juge jamais. Il y aura des paroles vraies, authentiques, sensibles. Il ne s’agit pas de condamner. D’abord parce que ce n’est pas mon rôle et ensuite parce que les choses sont beaucoup plus compliquées que ça. Alexievitch elle-même dit qu’elle ne le fait pas. Il s’agit évidemment de raconter les crimes commis au nom de cette utopie mais aussi comment il y a eu du bonheur. Il y a parfois de la mélancolie, de la nostalgie dans ces témoignages, et surtout des océans de sens à explorer. Le texte est nuancé, contradictoire et ce n’est pas un spectacle anticommuniste. Il y a encore, chez certains, de la foi, comme chez Vassili, membre du Parti, qui raconte son désir de mourir en vrai communiste. Certains ne renoncent pas, n’y arrivent pas, d’autant que la situation dans laquelle ils vivent aujourd’hui ne les rend pas plus heureux. Mais ce n’est pas non plus un spectacle bolchévique ! Je m’intéresse plus aux émotions qu’aux faits historiques : chacun jugera et choisira sa conviction. Je veux raconter cette histoire parce que j’aime ces personnages, cette foi-là et les gens qui continuent à y croire. J’aime les derniers de cordée et les chaînes de solidarité humaine. Aujourd’hui, il semble qu’il n’y a plus d’alternative au libéralisme. Pour ma part, je n’arrive pas à laisser les choses disparaître. C’est pour cela que je fais du théâtre.

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

La Fin de l’homme rouge d’après le roman de Svetlana Alexievitch par Emmanuel Meirieu
du vendredi 8 février 2019 au dimanche 17 février 2019
Les Gémeaux
49 avenue Georges Clémenceau, 92330 Sceaux

à 20h45, dimanche à 17h, relâche lundi et mardi. Tél :01 46 61 36 67.

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