« La femme n’existe plus », comédie délirante de Céline Führer et Jean-Luc Vincent, souligne par le rire et l’absurde l’importance du féminisme
Théâtre du Rond-Point
Publié le 24 novembre 2023 - N° 316Comédie délirante et vraiment drôle qui nous projette dans un futur bien peu souhaitable, La femme n’existe plus souligne par l’absurde et le rire combien le combat féministe est important.
Imaginez un monde où Yann Moix serait devenu Premier Ministre, et Michel Houellebecq en charge du ministère de la Culture… C’est que la vague réactionnaire du G.R.A.F (Grand Retour Aux Fondamentaux) serait passée par là. Désormais, les bonnes valeurs d’antan triomphent et les femmes sont retournées à la cuisine. Toutes ? Non, bien sûr. Quelques-unes résistent, que l’on retrouve cachées dans un sous-sol, tenant une sorte de permanence téléphonique entre planning familial et Le Père Noël est une ordure. Elles s’appellent Ava, Françoise, Simone et Delphine. Leurs prénoms doivent vous dire quelque chose. Même leur assistant vocal qui se déclenche à tout va s’appelle Georgina (là, on peut vous donner la solution, c’est en référence à Georgina Dufoix). Sous la menace des drones abeilles, elles préparent une action secrète en vue des célébrations de la journée de l’Homme, qui se tiendront Place Olivier Duhamel… Mais comme les féministes d’aujourd’hui, les quatre ne sont pas d’accord sur les modalités d’action à employer. Action violente ou happening seins nus ? Delphine (Seyrig), bien sûr, ne pense qu’à faire des films. Et la grande Simone (de Beauvoir), avec son bandeau qui lui plaque les cheveux, elle, est dans une réserve bien plus bourgeoise.
Booba reprend des chansons de Michel Sardou
Céline Führer et Jean-Luc Vincent, qui ont coécrit et mis en scène cette comédie féministe, sont deux anciens des Chiens de Navarre. On imagine rétrospectivement ce que les créations de la troupe dirigée par Jean-Christophe Meurisse leur doivent. Un humour vache, limite et tellement mordant irrigue en effet à flux continu cette dystopie foutraque qui construit un monde qu’on espère bien ne jamais voir advenir (ne serait-ce que parce que Booba y reprend du Sardou !). Mais ne dévoilons pas toutes les vannes (ce serait impossible) d’un spectacle qui carbure autant à la référence (féministe et machiste) qu’à l’amour des situations absurdes. Une danse des vulves, Seyrig en clitoris et Ava qui se fait avorter sous l’œil de la caméra de Delphine, c’est fou ce qui peut se passer dans cette cave foutoir. La deuxième partie s’essouffle un peu mais Céline Führer, Jean-Luc Vincent, Cédric Moreau (également exfiltré des Chiens) et Valérie Karsenti y campent avec brio des personnages aux tempéraments bien trempés. Sans jamais cabotiner, ils font preuve d’un goût pour la déconne hautement communicatif et d’un sens certain de la comédie. De cette manière, le discours féministe n’y perd pas dans le fond et gagne par la forme du rire. C’est aussi l’objectif des créateurs du spectacle, comme un pouvoir supplémentaire de séduction.
Eric Demey
A propos de l'événement
La femme n’existe plusdu mercredi 6 décembre 2023 au dimanche 31 décembre 2023
Théâtre du Rond-Point
2 bis Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris
du mardi au vendredi à 19h30, le samedi à 18h30, le dimanche à 15h30 (sauf le 31 à 18h), relâche le lundi et du 24 au 26 décembre. Tel : 01 44 95 98 21. Durée : 1h40. Spectacle vu aux Célestins à Lyon.