La compagnie Stéréoptik présente « Antichambre », une création poétique passionnante
Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt / Conception de Jean-Baptiste Maillet et Romain Bermond
Publié le 24 novembre 2023 - N° 316Avec leur compagnie Stéréoptik, Jean-Baptiste Maillet et Romain Bermond composent en direct des créations mêlant arts plastiques et musique. Dans Antichambre, ils vont plus loin dans cette mise à nu poétique et passionnante de la fabrique de l’image en partageant le processus de création d’un film.
L’émerveillement ne vient pas forcément de l’illusion. Au contraire, il peut naître de la révélation d’une technique, de la mise à nu d’un processus. Chaque création de la compagnie Stéréoptik, fondée en 2008 par les plasticiens et musiciens Jean-Baptiste Maillet et Romain Bermond, prouve cette vérité souvent oubliée dans nos sociétés de l’image. Qu’ils racontent en parallèle l’histoire de deux explorateurs et celle d’une chanteuse de jazz enlevée par des extra-terrestres (dans leur premier spectacle qui porte le nom de leur compagnie et rencontre un beau succès), celle d’un cirque qui rend malheureux (Dark circus, 2015) ou encore l’amour naissant d’une astrophysicienne et d’un peintre (Stellaire, 2019), les deux complices le font en montrant une grande partie de leurs procédés très variés. Installés chacun derrière une table pleine d’instruments et d’objets divers que l’on distingue dans la semi-obscurité du plateau, les deux complices s’activent silencieusement tandis que le résultat de leur travail s’affiche en direct sur un grand écran tendu en fond de scène. À rebours de l’injonction à la nouveauté qui règne dans le milieu théâtral comme ailleurs, ils ont recours dans Antichambre à ce même dispositif. En partageant pour la première fois avec le spectateur une part de leur laboratoire, ils revendiquent sans rien perdre de leur poésie habituelle le primat qu’ils accordent à la fabrication, au bricolage sur la fiction.
Fabrique de l’amour
Le storyboard que nous montrent Jean-Baptiste Maillet et Romain Bermond en ouverture de leur Antichambre est celui d’un film de 8 minutes qui nous sera montré en fin de spectacle, mais il représente bien davantage. Il nous fait entrer dans les coulisses de Stéréoptik, de même que les manipulations d’abord très simples, de plus en plus complexes que réalisent les deux artistes à vue : des jeux d’ombre, la naissance d’un paysage à partir de fusain, des scènes animées dont deux toutes petites marionnettes sont les héroïnes… Bien qu’apparaissant sous des formes et des couleurs très différentes, ces deux figures, un homme et une femme, sont les seules à faire lien entre bon nombre des images aussi belles que différentes qui prennent vie sous nos yeux. Dans cette première partie d’Antichambre, la trame narrative est donc réduite à son strict minimum : un couple traverse des paysages multiples, et semble enfin se séparer. Libre au spectateur de chercher ou non un sens à cette traversée pleine de trous, de mystère. La deuxième et très courte partie du spectacle, où nous est montré le film réalisé par Stéréoptik à partir des recherches exposées plus tôt, n’annule pas l’histoire qu’on a pu se composer pour soi-même. Elle en propose une alternative, très sensible : dans le couple qui se forme devant nous, on retrouve toutes les techniques utilisées plus tôt devant nous, désormais associées à une émotion. Cette petite histoire finale est à l’image de ce qui précède, elle est traversée par une quête de pureté, d’essentiel.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Antichambredu mercredi 13 décembre 2023 au samedi 23 décembre 2023
Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt
Place du Châtelet, 75001 Paris
à 10h, 14h30, 15h ou 19h selon les dates. Tél : 01 42 74 22 77. Durée : 1h. À partir de 9 ans. Spectacle vu à Lux – Scène nationale de Valence. Également les 26 et 27 janvier 2024 au Théâtre des 2 rives à Charenton-le-Pont (94), les 16 et 17 février au Forum – Théâtre de la Falaise (14)…