La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Fausse Suivante ou le Fourbe puni

La Fausse Suivante ou le Fourbe puni - Critique sortie Théâtre Nanterre Théâtre Nanterre-Amandiers
La Fausse Suivante mise en scène par Nadia Vonderheyden. Crédit Photo : Didier Grappe

Théâtre Nanterre-Amandiers / de Marivaux / mes Nadia Vonderheyden

Publié le 24 avril 2014 - N° 220

Créée en janvier 2012 à la Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, la mise en scène de La Fausse suivante signée par Nadia Vonderheyden est reprise au Théâtre Nanterre-Amandiers dans une distribution modifiée. Une déception.

Dans La Fausse Suivante, pièce écrite et représentée pour la première fois en 1724, Marivaux développe l’une des équations typiques de son œuvre. Une équation dont les trois inconnues révélées – mises en jeu sociales ; errances des désirs ; masques et travestissements – engendrent un monde à la fois abstrait et incarné, un monde de démonstration. Louis Jouvet ne comparait-il pas le théâtre de Marivaux à un jeu mathématique… « Il y a dans ce théâtre une intellectualité admirable, faisait-il remarquer*, un crépitement de gestes et des modulations de la voix, un réseau de mouvements et de sons, qui le rendent comparable à une sorte de danse supérieure, à un jeu mathématique ou géométrique. » Le spectacle que présente Nadia Vonderheyden au Théâtre Nanterre-Amandiers est assez loin de cette acuité. Assez loin de cette forme de supériorité chorégraphique. Au sein d’une esthétique qui renvoie à un carnaval fantomatique, à une fresque vivante lointainement inspirée de Jérôme Bosch (la belle scénographie est cosignée par la metteure en scène et Christian Tirole, les lumières sont de Ronan Cahoreau-Gallier, les costumes d’Eric Guérin), cette Fausse Suivante flatte l’œil mais pas l’oreille.

Manœuvres sentimentalo-financières

Car quelque chose sonne faux dans les manœuvres sentimentalo-financières auxquelles prennent part Catherine Baugué (La Comtesse), Julien Flament (Trivelin), Maxime Lévêque (Arlequin), Laure Mathis (Le Chevalier), Arnaud Troalic (Lélio) et Nadia Vonderheyden (Frontin). Parfois ricaneurs, parfois farcesques jusqu’au cabotinage, à d’autres moments affectés ou platement psychologiques, les comédiens s’emparent tant bien que mal des situations, mais jamais de la langue. Ainsi, dans cette Fausse suivante en manque de souffle, aucune forme d’inventivité ne vient recréer le langage abstrait inventé par Marivaux pour le théâtre. Or sans cela, sans cette langue « susceptible de trouver les cris les plus brefs et les transitions les plus modulées », comme l’a écrit le critique belge Georges Poulet**, le théâtre de Marivaux échappe, l’être marivaudien ne naît pas à lui-même. Les scènes passent donc, les répliquent se succèdent et la représentation s’enfonce dans ses imprécisions.

Manuel Piolat Soleymat

* Marivaux, Le théâtre et ses personnages, conférence prononcée le 6 février 1939.

** Etudes sur le temps humain, La Distance intérieure, Pocket Agora.

A propos de l'événement

La Fausse Suivante ou le Fourbe puni
du mardi 6 mai 2014 au dimanche 25 mai 2014
Théâtre Nanterre-Amandiers
7 Avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre, France

Du 15 au 25 mai 2014. Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h30, le jeudi à 19h30. Spectacle vu le 7 avril 2014 au Théâtre Firmin Gémier - La Piscine à Châtenay-Malabry. Durée de la représentation : 2h10. Tél. : 01 46 14 70 00. www.nanterre-amandiers.com.

Egalement les 6 et 7 mai 2014 à la Scène nationale Evreux-Louviers.

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