La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La fausse Suivante

La fausse Suivante - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DU LUCERNAIRE
Crédit photo : Corinne Marianne Pontoir Légende photo : La Comtesse, entre Lélio et le Chevalier, dans la mise en scène d’Agnès Renaud.

Le Lucernaire / La fausse Suivante / de Marivaux / mes d’Agnès Renaud

Publié le 25 janvier 2013 - N° 206

Agnès Renaud installe La fausse Suivante dans l’ambiance des années folles. En confiant aux corps le soin d’exprimer la violence entre les sexes, elle dévoile crûment la cruauté du calcul amoureux.

Lélio aime la Comtesse puisque la Comtesse lui a prêté de l’argent en lui donnant son cœur. Cependant une mystérieuse demoiselle de Paris, dont il ne connaît pas le minois mais espère déjà rentabiliser l’hymen, lui promet une dot plus confortable encore. Comme l’amour ne fonde pas le mariage, le fat et cupide Lélio est prêt à sacrifier sa maîtresse sur l’autel d’un revenu deux fois plus important que celui assuré par les noces avec la Comtesse. Mauvais calcul que celui du bêta qui oublie trop vite que certaines femmes ont du courage, de l’esprit et de la vertu, et que la malice vient au secours des matrices. Il ne voit pas que le nouvel ami auquel il confie ses rêves financiers n’est autre que cette fieffée Parisienne venue enquêter, sous l’aspect d’un Chevalier séduisant, sur la valeur de celui qu’on lui destine.

Corps à corps carnassier

Il est question dans cette pièce des pouvoirs de la parole, et le fameux « dédit », autour duquel tourne l’intrigue, n’est pas seulement une reconnaissance de dette. Il est révocation de la parole donnée et signe l’importance du discours dans le jeu de l’amour. Les joutes sont oratoires (mensonge, révélation, gaffe, chantage) et les personnages usent des mots comme des armes. Par sa maîtrise du verbe, la demoiselle de Paris effraye Lélio en lui faisant croire qu’elle est prête à en découdre en un duel que la faiblesse de son sexe lui interdit ; par les ressorts du verbe, le satané Trivelin parvient à instiller le doute dans l’esprit du trop confiant Lélio ; parce qu’elle a la naïveté de croire ce qu’on lui dit, la Comtesse se fait berner par le jeu de l’amour. C’est par les mots que l’esprit vient aux filles et la fibre révolutionnaire aux valets. Pour expliciter la violence des combats symboliques que se livrent ces animaux sauvages, dont le langage policé cache des cœurs retors et pervers, Agnès Renaud choisit de montrer la brutalité salace de ces machines désirantes. Libidineux et pervers, Trivelin est un maître en turpitudes que seule sa condition corsète. La demoiselle de Paris a le ton haut et les muscles bandés d’un coquelet effronté. Arlequin est pris dans les transes d’une danse de saint Guy incontrôlable. Le prologue muet, qui évoque l’ambiance d’une backroom sado-maso, signifie d’emblée le message : l’amour est le prolongement de la guerre par d’autres moyens. Mais le surinvestissement physique a tendance à trahir la subtilité du texte, et les visages des personnages percent trop évidemment sous les masques des bienséances. En retenant mieux leur fougue, les comédiens réussiront sans doute un traitement plus fin de la pièce.

Catherine Robert

A propos de l'événement

La fausse Suivante
du jeudi 24 janvier 2013 au dimanche 3 mars 2013
THEATRE DU LUCERNAIRE
53, rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris

Tél. : 01 45 44 57 34. Du 24 janvier au 3 mars 2013. Du mardi au samedi à 21h30 ; dimanche à 17h. Durée : 1h45.
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