La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La décennie rouge

La décennie rouge - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 avril 2009

Michel Deustch questionne l’histoire de la Fraction armée rouge. Son théâtre-récit plutôt confus passe en force sur le plateau et manque de force dialectique.

« Bonnie ? (…) Je t’aime ! » lance Andreas Baader. « Moi aussi je t’aime Clyde, jusqu’à la mort » répond Gudrun Ensslin. C’est sous l’aura scandaleuse des amants criminels que s’ouvre La Décennie rouge, épopée sanglante de la Fraction armée rouge (RAF), qui s’enfanta au cœur des révoltes étudiantes et des manifestations contre la guerre du Vietnam et s’acheva en 1977, officiellement par le suicide des leaders du groupe, incarcérés à la prison de Stammheim. Scellé le 2 avril 1968 dans l’incendie libertaire d’un grand magasin de Frankfort, symbole de la consommation capitaliste, le couple Baader-Ensslin rompra avec les mouvements gauchistes, jugés trop stériles dans leurs chamaillis théoriques, et se lancera dans la guérilla urbaine. Il ralliera notamment Ulrike Meinhof, journaliste en vue et intellectuelle qui abandonna la contestation de salon pour l’action et devint le cerveau de la « bande à Baader ». « Pourquoi, en se radicalisant, une bande de jeunes gens issus du mouvement étudiant s’est-elle engagée dans la voie du terrorisme ? Pourquoi une partie des intellectuels et de la bourgeoisie de gauche les a-t-elle soutenus ? » questionne Michel Deutsch, qui décidément aime à prélever la matière de son théâtre dans les plaies sombres de l’Histoire.

Mortelle cavale
L’auteur, qui signe aussi la mise en scène, ne répond pas, mais juxtapose dialogues et fragments tirés de journaux, émissions d’actualités, minutes de procès ou lettres. D’évidence fort documenté, ce théâtre-récit cherche à livrer quelques pièces d’une complexe dérive meurtrière, où s’enchevêtrent convictions politiques, relations intimes, violence romantique et malaise d’une génération face au passé nazi de l’Allemagne. Tandis qu’Ingrid Caven donne en voix off le fil de l’histoire pour coudre les saynètes, cinq jeunes comédiens passent d’un personnage à l’autre, d’une situation à l’autre, et traversent à pas vifs ces « années de plomb ». La mise en scène mixe tout autant les genres, brodant sur fond brechtien jeu classique, images désolées de lieux publics tournées aujourd’hui, interview radiophonique de Sartre, conversation filmée surréaliste entre Winnetou et Germania, manipulation de marionnettes ou encore tubes de The Who ou des Rolling Stones en guise de songs. Le tout, pédagogique dans sa visée, devient parfois confus – on finit par se perdre un peu dans la foule des protagonistes et des lieux. La mise en scène empile les effets sans véritable cohérence et reste sagement dans l’illustration, d’autant que les acteurs, encore verts, incarnent d’un bloc les paroles exaltées des jeunes révolutionnaires. Il n’est pas sûr que Michel Deutsch livre en scène toute la force dialectique de sa pièce.
Gwénola david


La décennie rouge, texte et mise en scène de Michel Deutsch, jusqu’au 10 avril 2009, à 21h, sauf mardi 19h, dimanche 16h, relâche lundi, au Théâtre national de la Colline, 15 rue Malte-Brun, 75020 Paris. Rens. : 01 44 62 52 52 et www.colline.fr. Texte publié aux éditions Christian Bourgois. Durée : 1h50.

A propos de l'événement


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