La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2009 Entretien / Olivier Py

La culture n’est pas un luxe

La culture n’est pas un luxe - Critique sortie Avignon / 2009
Crédit : Pascal Victor

Publié le 10 juillet 2009

Auteur et metteur en scène, actuel directeur du Théâtre national de l’Odéon, Olivier Py est un témoin privilégié de la vie théâtrale française. Fortement préoccupé par l’évolution de la place faite à la culture dans notre société, il ne cède pas au défaitisme et veut croire à un avenir meilleur.

Quel regard portez-vous sur la politique culturelle menée, aujourd’hui, en France ?
Olivier Py : Voilà de nombreuses années que nos dirigeants — tous partis confondus, de droite comme de gauche — ne font plus de la culture un argument important de leur démarche politique nationale. Je suis très surpris que la culture tienne aussi peu de place dans leurs discours. Je crois qu’ils commettent deux erreurs essentielles. La première relève d’un malentendu sur ce qu’est la culture, car les politiques nous parlent de culture comme s’il s’agissait de quelque chose de superflu. Ils prononcent le mot culture et, derrière cela, ils voient le divertissement, le tourisme, le commerce, le marché de l’art… La deuxième erreur concerne la vision même de la politique, qui se transforme en gestion de crise plutôt qu’en une action ambitieuse visant à se donner les moyens de « créer un avenir ». Pourtant, faire de la politique, fondamentalement, c’est faire de la culture : c’est chercher à donner un sens à nos vies.
 
Quelles sont les conséquences concrètes d’un tel désintérêt, pour un théâtre comme l’Odéon ?
O. P. : Comme tous les théâtres, nous devons faire face à une érosion lente mais certaine des budgets. De 2006 à 2010, l’Odéon a perdu près d’un tiers de son budget artistique. Les mesures d’ajustement n’étant plus assurées, les dépenses de fonctionnement grignotent peu à peu les budgets artistiques. Et ce qu’il faut comprendre, c’est que lorsque l’Odéon s’appauvrit, ce sont aussi les compagnies qui s’appauvrissent. Car, ceux qui souffrent en premier de ces restrictions sont les metteurs en scène indépendants et les jeunes artistes. 
 
« Notre modèle culturel est un beau modèle, il faut lui donner les moyens d’exister. »
 
A quelle prise de conscience appelez-vous nos dirigeants politiques ?
O. P. : La décentralisation théâtrale a été un grand succès. Elle a permis de doter la France d’un réseau exceptionnel. Pour ce qui est du spectacle vivant, l’intermittence est également une très belle invention, une invention qui coûte beaucoup moins d’argent que le système allemand qui reviendrait à créer une petite Comédie-Française dans chaque région. Notre modèle culturel est un beau modèle, il faut lui donner les moyens d’exister. Et puis, je crois que l’Etat doit vraiment prendre en compte la démocratisation culturelle, notamment en nouant davantage de liens entre la culture et l’éducation nationale. Tant que l’on continuera à envisager les subventions comme du mécénat culturel, le grand projet d’avenir dont a besoin notre pays ne verra pas le jour.
 
Pensez-vous que l’art peut influer durablement sur l’évolution de notre société ?
O. P. : L’art peut faire changer des hommes, pas les hommes, mais des hommes. Et si des hommes changent, la société changera. Il ne faut pas lui demander plus.
 
Etes-vous de ceux qui considèrent que la culture est aujourd’hui réellement en danger ?
O. P. : Oui. Je crois qu’elle l’est. Vraiment. Mais, je crois aussi qu’elle en réchappera. C’est une question de cycle historique. Le danger, c’est qu’en temps de récession, on se mette à casser nos outils. Il faut se battre pour les conserver et garder espoir. Je suis certain qu’un jour ou l’autre nos politiques réaliseront que la culture n’est pas un luxe.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

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