Considéré comme l’un des élus socialistes les plus impliqués dans le domaine culturel, Jean-Jack Queyranne est l’auteur de Pour la culture ! De Jean Vilar à Bénabar (2007, Editions Stéphane Bachès). Le député du Rhône et actuel président du Conseil régional de Rhône-Alpes déclare avoir « toujours veillé à ce que la culture soit au centre de [son] action ».
Pensez-vous que votre engagement politique à gauche conditionne, d’une façon ou d’une autre, vos réflexions sur les questions liées à l’art et à la culture ?
Jean-Jack Queyranne : Non. Je dirais plutôt que mon engagement aux cotés des artistes et mon intérêt pour la culture comme vecteur de développement individuel et sociétal ont naturellement guidé mes convictions politiques vers la gauche. Que ce soit dans mes mandats d’élu local à Villeurbanne ou à Bron, de député, de Ministre, notamment à l’Outre Mer, ou de Président de Région, j’ai toujours veillé à ce que la culture soit au centre de mon action. Les fêtes de Villeurbanne, le TNP, sa singulière Ecole de musique, le théâtre de Bron, la loi sur le prix unique du livre, le soutien à la culture antillaise, le doublement du budget culturel régional sont quelques exemples de cet engagement de gauche.
Quelle est, de votre point de vue, la principale ligne de fracture entre la gauche et la droite en terme d’engagement pour la culture ?
J.-J. Q. : Cette question est vaste. Pour résumer mon propos, je dirais que la droite a toujours considéré que la culture n’est pas de la sphère publique. C’est une démarche individuelle que chacun doit pouvoir se payer selon son bon vouloir et ses moyens. La preuve en est, le concept de « culture pour chacun » développé récemment par son Ministre. D’autre part, pour la droite, la culture entre dans le champ concurrentiel, souvent événementiel, et donc elle doit compter sur des financements privés et dégager des résultats quantifiables. La gauche, elle, depuis le concept d’éducation populaire au XIXème siècle, en passant par la décentralisation théâtrale des années 50, la reconnaissance des arts dans les années 80 et la mobilisation des Collectivités aujourd’hui, est dans une dynamique de progrès social qui passe par l’accès du plus grand nombre à la création et à la pratique artistiques. Pour la gauche, la culture est une responsabilité publique, celle de permettre aux citoyens une forme d’émancipation pour une meilleure appréhension du monde.
« Le parti socialiste doit rénover sa réflexion sur la culture, ce qu’il est en train de faire en vue de 2012. »
Que voudriez-vous dire à ceux qui reprochent au parti socialiste d’avoir, depuis une vingtaine d’années, laissé en jachère le champ de la culture ?
J.-J. Q. : Vous êtes injuste. D’une part, il faut rappeler les politiques culturelles historiques menées par François Mitterrand durant ses deux septennats, prolongées tant bien que mal pendant la période de cohabitation 1997/2002 avec Catherine Trautmann et Catherine Tasca. Depuis cette date, les socialistes ne sont plus au pouvoir au plan national. Par contre, les collectivités locales et territoriales majoritairement à gauche, s’illustrent depuis 20 ans dans le domaine culturel dans un contexte de retrait permanent de l’Etat. Pour autant, je pense que le parti socialiste doit rénover sa réflexion sur la culture, ce qu’il est en train de faire en vue de 2012, et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues !
En 2007, vous avez signé Pour La Culture ! De Jean Vilar À Bénabar. Quelles sont les principales réflexions que vous développez dans cet ouvrage ?
J.-J. Q. : J’ai fait 21 propositions qui correspondent à un certain nombre de grandes priorités. Au premier rang de celles-ci, la question de la diversité culturelle dont il me semble que l’on n’a pas encore complètement mesuré et moins encore estimé la portée. L’éducation est une autre de mes priorités par le fait de familiariser le plus tôt possible l’enfant avec l’art, car c’est la base de l’édifice. Les pratiques artistiques sont également importantes : il faut repenser le rôle des pratiques amateurs et réintégrer à cette fin l’éducation populaire dans le ministère de la Culture, et réparer par là cette coupure qui fut peut-être l’erreur de Malraux. Par ailleurs, beaucoup de dérèglements, des situations quasi monopolistiques sont à constater dans le secteur des industries culturelles : on ne peut pas simplement « laisser faire, laisser passer ». La création, bien sûr, est une grande priorité aussi. Enfin, nécessaires et concomitantes, il y a la rénovation de l’État qu’il faut entreprendre et la décentralisation qu’il faut parachever. Il convient en effet de redéfinir clairement le rôle et les compétences de chacun, et d’accompagner cette nouvelle répartition des tâches et moyens nécessaires.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat