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      Avec La corde, Guy-Pierre Couleau transpose en France la pièce de Patrick Hamilton, portée à l’écran par Alfred Hitchcock en 1948. Avec une distribution impeccable, il met en scène un huis clos aussi savoureux que dérangeant et revisite avec brio cette œuvre profondément humaine. À voir absolument !
Un cossu salon parisien constitue le décor de cette comédie macabre. Louis et Gabriel, jeunes intellectuels, étranglent à l’aide d’une corde un ancien camarade d’école de commerce, Antoine, pour la simple beauté du geste. Point de mobile ou d’affect, l’assassinat de la victime, qualifié d’œuvre d’art par les protagonistes, est une démarche intellectuelle, un pur défi, qui se poursuit par l’organisation d’une réception sur le lieu du crime où, comble du cynisme, le repas est servi sur le coffre au sein duquel gît la victime. Les meurtriers (Thomas Ribière et Audran Cattin, qui fait parfois penser au célèbre Patrick Bateman de American Psycho) invitent donc quelques proches – la fiancée d’Antoine (Lucie Boujenah), la mère de Louis (hilarante Myriam Boyer), le voisin serrurier (Martin Karmann) ainsi que leur brillant professeur de philosophie (Grégori Derangère) – à un singulier dîner d’adieu. Le jeu des six comédiens, d’une grande justesse, sert à merveille le texte adapté par Lilou Fogli et Julien Lambroschini, qui modernisent l’œuvre sans toucher à son essence, pour la rendre « plus accessible (…) sans la simplifier, mais en l’ancrant dans une réalité culturelle qui nous parle ». Et c’est une réussite ! Le spectateur est immergé dans le Paris d’après-guerre, dans les dynamiques de classe sociale où bourgeoisie et classe ouvrière s’affrontent, ce qui donne un relief nouveau aux personnages et aux thèmes qui parcourent la pièce – universels.
Une réflexion philosophique profonde
De la savoureuse comédie au thriller policier à la réflexion philosophique, l’œuvre, multiforme, happe le spectateur de bout en bout, tantôt hilare face aux excellentes répliques qui fusent, brillamment interprétées, tantôt glacé par la monstruosité de ce qui se joue devant lui. C’est là la richesse de la pièce. La scénographie renforce la tension grandissante et le salon bourgeois devient rapidement étouffant – le coffre placé au centre de la scène nous rappelle constamment l’horreur de la situation. Louis et Gabriel ont tué Antoine pour mettre en pratique le concept de surhomme développé par Nietzsche. Ou plutôt, ce que leur cerveau malade a compris et déduit de ce concept. La pièce immerge le spectateur dans l’essence du mal, où la destruction de la vie humaine n’a aucune importance et peut être justifiée par une simple rhétorique intellectuelle. Grâce au suspense ludique et haletant, grâce à une souplesse et une précision du jeu qui font mouche, on réfléchit autant qu’on rit. Finalement, Guy-Pierre Couleau et les siens livrent une version française captivante de la pièce de Patrick Hamilton, dont les thèmes résonnent puissamment avec notre époque.
Hanna Abitbol
du mercredi au samedi à 21h, les dimanches à 15h. Tél : 01 86 47 72 77. Durée : 1h30.
 
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