La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Controverse de Valladolid

La Controverse de Valladolid - Critique sortie Théâtre
Le moine dominicain (Philippe Pierrard) défend les Indiens Photo : Denis Jeanson

Publié le 10 janvier 2010

Éric Borgella porte à la scène La Controverse de Valladolid, une « dispute » théologique, âcre et cruelle autour de l’infortune des Indiens du Nouveau Monde livrée à l’indifférence européenne.

Indiens apaches et mohicans, Indiens du Mexique, des Andes, d’Amazonie, du Brésil, tous sont « sauvages » selon le XVII é siècle. À l’arrivée des conquérants espagnols, les civilisations indiennes d’Amérique ont dû périr. Pour Tocqueville, « les Espagnols, à l’aide de monstruosités sans exemples, en se couvrant d’une honte ineffaçable, n’ont pu parvenir à exterminer la race indienne », ce que feront les Américains des États-Unis.La Controverse de Valladolid  entre Bartolomé de Las Casas, ex-évêque au Mexique et le théologien Gines de Sépulvéda, s’engage en 1550. La dispute se déroule face à Ronciéri, le légat du Pape venu trancher la question de savoir si les Indiens possèdent ou non une âme. Las Casas dénonce le bain de sang de l’évangélisation indienne, un chaos dû à la cruauté des conquérants, massacrant corps et biens de leurs victimes. Philippe Pierrard incarne avec bonhomie, patience et passion la clairvoyance de ce moine dominicain incompris en son temps. Face à lui, Jean-Pierre Billaud en docte professoral donne une posture méditative au théologien.

Chez les victimes « délocalisées », la perte effrayée du désir de vivre
Pour lui, les sous-hommes en question adorent des idoles comme le serpent à plumes et s’adonnent à la fornication et au cannibalisme. Un couple d’Indiens apeurés est d’ailleurs exposé sur la scène, un témoignage de prétendue animalité. Avec les comédiens Géraude Ayeva-Derman et Tito Diez, la scène réaliste manque de vraisemblance à vouloir trop jouer l’émotion. Chez ces victimes « délocalisées », la perte effrayée du désir de vivre est soulignée. Les insultes à leur égard sont approuvées par le colon (Laurent Ferrero vindicatif), propriétaire de terres et de mines, rétif à l’idée d’âme ou de liberté chez ces travailleurs contraints à l’extraction de l’or, ce qui enrichit l’Espagne. Mais le légat défend le bien suprême de l’âme qui prête à l’homme l’unité avec Dieu. Avec une sévérité tendue, Vincent Duviau assume la décision irrévocable, il déclare les Indiens humains. Mais un codicille est ajouté à l’acte : les Noirs d’Afrique serviront d’esclaves au Nouveau Monde. Le diable chrétien n’est-il pas représenté en noir ? Le spectacle, malgré ses maladresses, est fidèle à l’âpreté du débat sur l’évaluation inique des ethnies.
Véronique Hotte


La Controverse de Valladolid
De Jean-Claude Carrière, mise en scène d’Éric Borgella, le jeudi à 21 h jusqu’au 25 mars 2010, Côté Cour 12, rue Edouard Lockroy 75011 Paris Tél : 01 47 00 43 55 theatrecotecour@free.fr

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