La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Charrue et les étoiles

La Charrue et les étoiles - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : V. Arbelet Légende photo : Les doux dingues de la bande à Bonnaud.

Publié le 10 mars 2009

Irène Bonnaud dépoussière le texte de Sean O’Casey et transpose son intrigue dans les années 80 pour un spectacle palpitant, fiévreux, émouvant et drôle servi par une belle troupe dynamique.

Soucieuse de « décaper le vernis du pittoresque » qui obscurcit le théâtre d’O’Casey au point d’en faire une œuvre folklorique et datée, enfermée « dans un univers de brocante et de naphtaline », Irène Bonnaud a renoncé à son contexte historique initial, l’insurrection de Pâques 1916 à Dublin, pour le transposer dans le Belfast du début des années 80, modernisant la langue et les costumes et choisissant un environnement musical qui appuie la vitalité, la colère et les pulsations rock’n’roll d’une intrigue diablement dynamique. La scénographie de Claire Le Gal invente un décor en tournette offrant successivement à la vue du spectateur l’extérieur de l’immeuble où habitent la troupe de joyeux lurons qui hante cette histoire de guerre, d’amour et d’amitié, l’intérieur de l’appartement de Nora, l’héroïne sacrifiée, et le pub dans lequel tous se retrouvent pour lamper du whisky et échanger des noms d’oiseaux. Scènes de farce, de mélodrame, de séduction, de bagarre alternent à une telle vitesse qu’on rit en même temps qu’on pleure au spectacle des malheurs poignants émaillés de gags désopilants de cette armée de bras cassés.
 
Un formidable travail d’ensemble
 
Nora et Jack forment le noyau du groupe et de l’histoire. Autour d’eux, Coucou, le cousin marxiste (Dan Artus excelle en roquet idéologue), le vieil oncle ancien combattant, un ivrogne qui répare les serrures, une pute (Sophie-Aude Picon, un vrai bonheur de gouaille lascive) et des voisines (que leur haute moralité n’empêche pas de piller allègrement la ville prise entre deux feux) parmi lesquelles Bessie Burgess que campe une Martine Schambacher au sommet de son génie ! Béquille à la main, cheveux carotte et dégaine de harengère mal embouchée, la comédienne incarne avec une vérité, une émotion et une drôlerie hallucinantes ce personnage exécrable et attachant qu’elle impose comme le pivot et le parangon de ce petit peuple grotesquement lâche et sublimement courageux, tout en contradictions, héroïque et veule, prêt à descendre avec la même vitesse les verres d’alcool et l’ennemi héréditaire… Irène Bonnaud retrouve ici presque tous les comédiens qu’elle avait dirigés dans Music Hall 56 et dans Le Prince travesti. La fluidité du jeu et la communion entre les acteurs doivent sans doute beaucoup à cette habitude du travail ensemble qui, pour sa troisième création bourguignonne, donne encore une fois un résultat de remarquable tenue et de haute intelligence théâtrale et scénique.
 
Catherine Robert


La Charrue et les étoiles, de Sean O’Casey ; nouvelle traduction d’Irène Bonnaud et Christophe Triau ; mise en scène d’Irène Bonnaud. Du 3 au 15 mars 2009. Mardi, vendredi et samedi à 20h30 ; mercredi et jeudi à 19h30 ; dimanche à 16h. Théâtre 71, 3, place du 11 novembre, 92240 Malakoff. Réservations au 01 55 48 91 00. Les 17 et 18 mars à 21h. CDN de Sartrouville, place Jacques-Brel, 78500 Sartrouville. Réservations au 01 30 86 77 79. Du 24 au 27 mars. Mardi et vendredi à 20h30 ; mercredi et jeudi à 19h30. Nouveau Théâtre de Besançon. Esplanade Jean-Luc-Lagarce, 1, avenue Edouard-Droz, 25000 Besançon.Réservations au 03 81 88 55 11. En avril et mai : au Théâtre du Nord du 1er au 9 avril et à la Comédie de Genève du 21 avril au 2 mai. Spectacle vu au Théâtre National de Dijon-Bourgogne.

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