La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Cagnotte

La Cagnotte - Critique sortie Théâtre
Légende photo : Un grand saut dans l’inconnu pour ces petits-bourgeois drôles et ridicules. Critique

Publié le 10 novembre 2008

De La Ferté-sous-Jouarre à Paris, un périple éprouvant qu’Adel Hakim orchestre avec finesse, en aiguisant le comique de ces petits-bourgeois ridicules et fragiles.

Paris, ville de plaisirs, d’art, de combines, d’esbroufe et de lumière ! Paris, ville de mirages, sorte d’antre démesurée de l’inconscient, cristallisant les désirs les plus secrets et les fantasmes les plus inavoués. De La Ferté-sous-Jouarre à Paris, d’un monde confortable, bucolique et sans surprise et à un monde inconnu, urbain et agressif : bienvenue dans le monde réel, ou dans un rêve qui s’apparente à un cauchemar, que l’on tâchera bien vite d’enfouir dans les oubliettes des souvenirs à proscrire, afin de retrouver ses petites habitudes une fois rentré au bercail. Sous le vernis social et la routine du quotidien, immuables et rassurants, se cachent les pulsions de l’espèce humaine, un animal exigeant aux facultés d’adaptation variables. La Cagnotte (1864) d’Eugène Labiche orchestre avec un sens comique redoutable d’efficacité le voyage à Paris de petits-bourgeois provinciaux venus dépenser dans la capitale l’argent gagné au fil de rituelles parties de bouillotte, un jeu de cartes apparenté au poker. Après un vote épique qui met d’accord le groupe, la joyeuse équipée se retrouve dans un bon restaurant, puis les embûches et les catastrophes s’enchaînent, jusqu’à ce qu’ils connaissent la prison et la cruauté d’un pouvoir arbitraire.

Sublimes dans leur petitesse

Pétris de certitudes bien-pensantes, d’une arrogance cassante qui ne suffit pas à leur donner des clés pour affronter leur éprouvant périple parisien, ces petits-bourgeois ridicules et somme toute fragiles font rire, et illustrent avec gaieté les difficultés à décoder un univers inconnu. Tout comme l’auteur, le metteur en scène Adel Hakim n’est pas méchant avec ces personnages, au contraire il souligne avec un talent consommé leur fragile humanité autant que leurs travers, en finesse et en aiguisant le comique, avec quelques clins d’œil à notre temps ( quel thème plus actuel que la difficulté de s’intégrer à une société complexe et sans pitié !). Exposés comme de véritables sujets de spectacle, affublés de perruques, faux ventres, faux crânes, signes extérieurs de leur inadaptation à ce monde étranger, ils sont sublimes dans leur petitesse, presque émouvants dans leur sotte naïveté. La mise en scène, les costumes et la scénographie évoquent l’univers des films muets et le théâtre de l’absurde, transformant les déboires et tribulations de cette petite société en épopée métaphysique. Une épopée joyeuse et en chansons car le théâtre est ici un lieu de plaisir et de jubilation pour les spectateurs et pour les acteurs. Malik Faraoun en Champbourcy, Prunella Rivière en Léonida, Etienne Coquereau en Cordenbois, pour ne citer qu’eux, excellent. Une Cagnotte de très belle facture, rythmée, drôle et alerte, laissant affleurer toute la fragilité de ces petits-bourgeois gonflés d’idées toute faites.

Agnès Santi


Spectacle vu au Château de Grignan lors des Fêtes nocturnes de l’été. La Cagnotte d’Eugène Labiche, mise en scène Adel Hakim, du 6 novembre au 3 décembre du mardi au samedi à 20h sauf jeudi à 19h, dimanche à 16h, au Théâtre d’Ivry Antoine Vitez, 1 rue Simon Dereure, 94 Ivry. Tél : 01 43 90 11 11. 

A propos de l'événement


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