La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien

Kader Attou

Kader Attou - Critique sortie Danse
Kader Attou

Publié le 10 janvier 2008

Petites Histoires.com : ode à l’imaginaire

La nouvelle création de Kader Attou à Suresnes convoque un imaginaire à la fois grave et léger, lié à l’enfance. Avec, en filigrane, l’ultime tentative de l’envol qui sommeille en chacun de nous.

 « Un imaginaire qui nous permet de mieux vivre les choses »
 
A travers ce titre, voulez-vous réaffirmer la capacité du hip hop à porter des histoires ?
Je suis un convaincu dans l’âme, cela fait des années que je travaille dans cette direction, sans vraiment me poser cette question ! Le hip hop a cette sensibilité de pouvoir raconter des choses avec un peu de poésie. J’estime que l’on est dans un langage de corps, commun à d’autres danses, qu’elles soient contemporaines, classiques, ou folkloriques. Pour moi qui suis allé en Inde ou au Brésil par exemple, le corps est un outil de communication, doué de langage, une possibilité d’approche pour tant de choses.

Touchez-vous à des univers chorégraphiques différents pour cette nouvelle pièce ?
Non, je sors d’une création juste avant celle-ci qui s’appelait Les corps étrangers et qui regroupait dix danseurs, indiens, brésiliens, africains… Quand j’ai commencé à réfléchir sur Petites Histoires.com, j’avais envie de revenir à une plus petite forme – cinq danseurs – qui sont tous issus du milieu hip hop. Il n’y a pas ici la dimension de la rencontre avec d’autres danses. J’essaye de chercher mon chemin en tant que chorégraphe afin de créer un univers qui me ressemble.

Etes-vous en train de vous réinterroger sur vous-même ?
Je m’interroge constamment, cela fait quatorze ans, déjà ! Cette pièce est née d’une création que j’ai faite en 2003, Pourquoi Pas ? ; je revenais alors à mes premières amours de scène car je suis arrivé à la danse grâce au cirque. J’avais envie de retrouver des sensations que j’avais étant gamin, inspirées de souvenirs d’enfance. Petites Histoires.com est un peu la continuité de cette aventure car elle convoque mon enfance et celle des danseurs. Il y a un parti pris aussi qui est celui de l’envol, car on a tous eu envie un jour de voler comme un oiseau. Un envol qui n’est pas forcément technique ou issu de machineries.

Comment vous situez-vous, par rapport à des projets qui mettent aussi en jeu la parole et la vie des chorégraphes, tels Hamid Ben Mahi ? On sent chez vous une dimension plus poétique, imaginaire…
C’est vraiment imaginaire, lyrique, tout en gardant un côté grave. On a tous, à un moment donné, vécu des choses plus ou moins graves dans notre enfance. Mais aujourd’hui, on les perçoit avec vingt-cinq ans de recul. Pour vous raconter une petite histoire assez parlante : mon père faisait les trois-huit dans une fonderie, hiver comme été à l’usine. Quand j’étais môme, je ne savais pas ce que cela voulait dire. J’imaginais mon père entrant dans cette usine avec tous ces hommes en bleu, et je croyais que cela consistait à faire des huit en marchant, une sorte de danse, sans me poser la question du pourquoi. Je trouvais cela génial. Par la suite, j’ai découvert Charlie Chaplin et Les Temps Modernes, ce qui n’a pas arrangé mon imaginaire ! Mon père était devenu le dompteur de ces machines, de ce bestiaire imaginaire, je le voyais danser dans ces engrenages comme Charlot. C’était bon d’imaginer cela ! Après, on découvre une toute autre réalité, et j’ai su que mon père trimait comme un fou. Qu’est-ce qui est le mieux ? Vivre en étant gamin avec la réalité des choses et avoir mal, ou vivre avec cet imaginaire qui nous permet de rendre la réalité plus légère ? Ce que j’ai imaginé a rendu plus légères la vie de mon père et la mienne. J’en garde quelque chose de très doux avec beaucoup de nostalgie. C’est ce que j’ai envie de toucher avant tout à travers ce spectacle. L’imaginaire nous permet de vivre mieux les choses. Le terme léger me fait penser à cet envol que je cherche avec mes danseurs.
Propos recueillis par Nathalie Yokel


Petites Histoires.com de Kader Attou, les 12 et 15 janvier à 21h, et le 13 janvier à 17h au Théâtre Jean Vilar, 16 place Stalingrad, 92150 Suresnes. Tel : 01 46 97 98 10.

A propos de l'événement


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