Déjà vu
La chorégraphe taïwanaise Ting-Ting Chang [...]
Douze ans après l’avoir créé, Jean-Charles Mouveaux revient à cette partition dans une mise en scène finement orchestrée. Avec un beau quintette de comédiens, très précisément désaccordé.
Un lieu chaotique, au bord de la rupture, déjà plongé dans le noir du monde de l’oubli, lorsqu’il ne reste que quelques traces éparses de la vie d’avant… Rien de plus poignant qu’une maison qui se vide. Avec à jardin un étrange empilement de tables, c’est cette impression que fait naître l’espace du plateau qu’a imaginé Raymond Sarti, espace fermé par un rideau de plastique. Un espace quasi abstrait, comme à la lisière de deux mondes, mais bel et bien habité par des vivants et par leur parole qui circule, qui avance et agit. Dans ce très beau texte que Jean-Luc Lagarce a écrit en 1990, alors qu’il se sait malade du Sida, la maison n’est pas encore le lieu de l’absence, elle est au contraire remplie de présences et de mots affûtés, qui s’élèvent suite aux retrouvailles avec le fils écrivain. Car après de longues années d’absence, Louis revient parmi les siens : « pour annoncer, dire, seulement dire, ma mort prochaine et irrémédiable ». Il retrouve sa mère, son frère Antoine, avec lequel les relations sont tendues, sa belle-sœur Catherine, sa petite sœur Suzanne, pour qui ce frère est nimbé de mystère. Louis repartira sans rien avoir expliqué.
Toutes sortes de déflagrations
Sa venue cependant entraîne toutes sortes de déflagrations. Son irruption ravive et exacerbe les tensions, rancœurs, ressassements, solitudes. Depuis l’enfance jusqu’au présent, les temporalités se télescopent, révélant de vives émotions et parfois des failles ou des blessures. En équilibre instable, les membres de cette famille se heurtent, se révoltent, s’accusent, se déchirent, et taisent souvent l’essentiel. Jean-Charles Mouveaux, fin connaisseur et admirateur de l’œuvre de Jean-Luc Lagarce, a interprété ou mis en scène une grande partie de ses textes – Retour à la Citadelle, Trois récits, Du luxe et de l’impuissance… Douze ans après l’avoir mis en scène, il a recréé l’an dernier Juste la fin du monde, dans lequel il interprète le rôle de Louis aux côtés de Philippe Calvario (le frère), Chantal Trichet (la mère), Jil Caplan, en alternance avec Esther Ebbo (Catherine), Vanessa Cailhol (Suzanne). Une distribution de très haute tenue dans une mise en scène qui orchestre parfaitement la partition, parfois infiniment mélancolique, ou traversée d’un humour distancié. « Le prisme familial de cette pièce est le reflet de nos sociétés, avec ses intolérances, ses replis, ses conflits, ses désirs, ses doutes, ses pulsions destructrices ou merveilleuses, dans un incessant aller-retour émotionnel. » confie le metteur en scène. Soit un quintette implacablement désaccordé, et bouleversant.
Agnès Santi
à 14h40 ; relâches les 11, 18 et 26 juillet. Tél. : 04 32 76 02 79.
La chorégraphe taïwanaise Ting-Ting Chang [...]