Beyond the piano
Le festival du piano sans frontières ni limites.
Le clarinettiste français fête la sortie d’un disque original : une suite intense inspirée du destin de Billie Holiday.
« Billie Holiday est ma drogue. Je m’en injecte. Son accoutumance m’est tragique. Elle se coule en moi à chaque écoute » écrivait Marc-Edouard Nabe dans sa biographie impressionniste de Lady Day. Près de trente ans plus tard, le clarinettiste Jean-Marc Foltz pourrait presque reprendre ces mots à son compte. En tout cas, c’est à son tour de délivrer un hommage singulier à l’éternelle interprète de « Strange Fruit ». « Des nombreuses chanteuses qui tournaient en boucle sur la platine vinyle de mon père, Billie Holiday est celle qui m’a touché en plein cœur, marquant profondément ma quête d’un chant expressif et singulier » affirme le clarinettiste français qui présente ce mois-ci son intense Eleanora Suite au Sunset.
De Schumann à Lady Day
Véritable prénom de Billie Holiday, le « Eleanora » du titre annonce la couleur : plus qu’une « biographie », la composition de Jean-Marc Foltz s’imagine comme un journal intime fantasmé, « une rêverie d’une grande tendresse et d’une respectueuse pudeur » pour reprendre ses propres mots. Sous-titrée « A Woman’s Love and Life », cette œuvre en huit parties s’inspire d’un cycle de Lieder de Schumann : Frauenliebe und Leben (L’Amour et la vie d’une femme). Des mélodies où une narratrice se livre à la première personne. Et c’est bien là que se trouve la puissance maximale du travail minimaliste de Jean-Marc Foltz : sur une musique « épurée et narrative », il a sélectionné quelques textes iconiques de Billie Holiday (de « Don’t Explain » à « God Bless The Child ») pour faire parler d’outre-tombe Lady Day. Voix de cette Eleanora Suite, Claudia Solal se lance dans un subtil « Sprechgesang » (parlé-chanté) entourée du violon de Régis Huby et des clarinettes de Jean-Marc Foltz.
Vision Fugitive
Nouvelle sortie de Vision Fugitive, le disque du musicien hexagonal s’écoute aussi avec les yeux : l’album s’accompagne d’un livret de 40 pages illustré par Emmanuel Guibert. Créateur (entre autres) des Sardines de l’espace avec Joann Sfar, ce scénariste et dessinateur de bandes dessinées signe toutes les pochettes de cette maison de disques pas comme les autres. Fondé en 2012 par Jean-Marc Foltz, le guitariste Philippe Mouratoglou et le graphiste-producteur Philippe Ghielmetti, Vision Fugitive a toujours privilégié les projets transversaux et inattendus. Après un dialogue piano-voix entre Marc Copland et Michel Butor (Le Long de la plage) ou une exploration spirituelle menée par Bill Carrothers (Sunday Morning), cette Eleanora Suite s’inscrit donc parfaitement dans la démarche fructueuse de ce label beau et exigeant.
M. Durand
A 20h30. Tél. : 01 40 26 46 60. Places : 20 €.
Le festival du piano sans frontières ni limites.