John de Wajdi Mouawad, mis en scène par Stanislas Nordey
Sous la direction de Stanislas Nordey, Damien [...]
Sorti de l’imagination du metteur en scène Benoît Lambert et du comédien Emmanuel Vérité, le personnage de Charlie refait surface avec Dostoïevski, après s’être notamment attelé à Proust dans un opus précédent. Un formidable seul en scène qui réserve de jolies surprises.
Disons d’emblée que cette récréation théâtrale aussi légère que profonde est absolument réjouissante. Elle tient avec brio ses promesses, véritable tour de force lié à la magie du personnage, co-inventé par Benoît Lambert, metteur en scène et directeur du Théâtre Dijon-Bourgogne, et par Emmanuel Vérité, le comédien hors-normes qui l’incarne sur scène. La nouvelle aventure de Charles Courtois-Pasteur – Charlie pour les intimes de ses spectacles iconoclastes, où s’invite et se réinvente la forme d’un cabaret littéraire et philosophique – s’avance en terres dostoïevskiennes, sombres s’il en est, et prend l’allure d’une franche comédie par la grâce d’une autodérision intelligemment participative. Deux textes majeurs de ce génie de la littérature russe, dont le dessein fondamental était de percer ce mystère qu’est l’homme, encadrent le spectacle : Crime et Châtiment et Les frères Karamazov. Le premier renvoie à l’un de ses premiers romans des plus célèbres et le second, œuvre ultime, exprime l’apogée de son style.
Un show jubilatoire
Quelques extraits du premier sont agrémentés de savoureux commentaires qui mêlent à l’admiration qu’inspire le roman l’effroi qu’il peut susciter, en ressuscitant le dilemme moral qu’il instruit : sommes-nous en droit de commettre un crime si celui-ci peut servir une cause que nous jugeons noble ? La justice peut-elle être éthique ? Les conséquentialistes, comme on le sait, in fine débusqués et châtiés, sans vraiment pouvoir décider de la position du romancier, en seront pour leurs frais. Le spectacle opère un décalage entre le juge d’instruction dostoïevskien, Porphyre Petrovitch, et le légendaire Columbo de la série américaine créée par Richard Levinson et William Link, incarné par Peter Falk. Il y a là une géniale analogie que l’acteur nous donne à vivre avec jubilation et avec une économie de moyens qui rehausse sa prestation de comédien, de clown sans nez rouge. Dans un décor fait d’un bureau et d’un lampadaire dont il pourrait d’ailleurs presque se passer, Charlie, avec sa chemise hawaïenne, son costume taillé à la Chaplin, se fait aussi magicien sans peur et sans reproche. Don Quichotte des temps modernes, manipulant d’ordinaires accessoires tels de petits bouchons de liège, il parvient, dans le dédale des prénoms russes, à frayer un chemin singulier vers Les frères Karamazov. C’est très drôle et très intelligent. In vino veritas, disent certains. Et pourquoi pas In vivo veritas, grâce au vif du théâtre ?
Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
Du lundi 1er avril au vendredi 19 avril 2019. Les lundis, mardis, vendredis à 20h, les jeudis et samedis à 19h. Samedi 13 avril Karaoké avec Charlie à l’issue de la représentation. Durée : 1h15. Tél : 01 43 13 50 50
Sous la direction de Stanislas Nordey, Damien [...]