Ali Baba
Macha Makeïeff renouvelle le trésor des [...]
Création collective de la compagnie des Sans Cou, qu’on avait vu produire un drôle d’Hamlet, J’ai couru comme dans un rêve poursuit la double utopie d’un théâtre de l’élan vital et d’une vie qui prenne sens dans le jeu.
L’argument de cette histoire est simple, très simple : le jour même de ses trente ans, Martin apprend que sa compagne est enceinte, mais aussi qu’une tumeur le condamne à court terme. Choc frontal de la vie et de la mort qui sonne l’urgence de bâtir du sens là où chacun se laisse habituellement porter par le cours monotone du temps, du clash naît un sprint existentiel mené avec l’inéluctable. A préciser, cet argument joue aussi comme métaphore, comme prétexte à questionner l’intérêt de faire du théâtre, en essayant de faire souffler sur le plateau cette énergie vitale propre à l’art de l’ici et du maintenant. Pour cela, plutôt que de dérouler une histoire écrite à l’avance, la compagnie des Sans Cou a décidé de placer les comédiens sur le fil dynamique de l’improvisation, de ne bâtir à coups de propositions individuelles qu’un canevas de situations qui à tout moment laisse libre cours à la fragilité de l’instant.
« Comment tu fais pour essentialiser le temps qui te reste ? »
Est donc née une pièce hybride qui enchaîne les saynètes sous la supervision d’un metteur en scène incarné par Romain Cottard, à la présence toujours aussi imposante. Sur le plateau nu, les situations se suivent et ne se ressemblent pas, dans une économie de moyens scénographiques qui sonne comme une ode à la capacité du théâtre de produire de la vie et de l’imaginaire. « Comment tu fais pour essentialiser le temps qui te reste ? ». « On est tous les personnages d’une pièce absurde ». La morale de l’histoire penche cependant trop souvent vers l’explicite, voire le démonstratif et l’attendu. Et cette course épique se déployant deux heures trente durant, avant de s’achever dans une tirade sur le sublime de la vie, parait un peu lente. Ce spectacle a été créé à l’Atalante, repris à Beauvais. Coup de cœur de Christophe Rauck, directeur du TGP, qui a aussitôt décidé de le programmer, il témoigne d’un esprit de groupe, de troupe, d’un amour de la matière théâtrale, ici déclinée sous bien des formes différentes, et d’un goût pour l’invention et la liberté formelle qui ont su séduire l’ancien de chez Mnouchkine. Des promesses sont en germe dans le spectacle de cette jeune compagnie, qui demandent cependant à être confirmées.
Eric Demey
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