Iphis et Iante
Théâtre Gérard Philipe / d’Isaac de Benserade / mes Jean-Pierre Vincent
Publié le 30 mars 2013 - N° 208Exhumée après trois siècles d’endormissement, la comédie mise en scène par Jean-Pierre Vincent, qui, par-delà le thème de l’homosexualité féminine, s’attache à la profondeur du sentiment amoureux, tient du pur enchantement.
« Il faut que je l’avoue ; ce mariage est si doux, j’y trouve assez d’appas. Et si l’on n’en riait, je ne m’en plaindrais pas ». L’aveu est osé. Placé dans la bouche d’Iante, au lendemain de sa nuit de noces alors même que la jeune fille n’est plus sensée rien ignorer du sexe d’Iphis, il fait voler en éclats interdits moraux et convenances sociales. Le théâtre français du XVIIème siècle sort, avec Isaac de Benserade, le Lagarde et Michard de ses gonds. L’auteur, jeune poète âgé de 22 ans lorsqu’il écrit cette dérangeante comédie, inspiré par Les Métamorphoses d’Ovide, a l’audace de repousser les limites dans lesquelles le populaire poète de l’antiquité a maintenu la fable rocambolesque. Dans la fantaisie romanesque imaginée par l’intrépide dramaturge baroque, la nature féminine d’Iphis, cette jeune fille élevée aux yeux de tous comme un garçon dès le berceau, n’éclate au grand jour qu’après l’hyménée. Il fait mieux : au remord de la travestie ou à la colère de la dupée font place les regrets de devoir sacrifier au qu’en-dira-t-on et à la bienséance la beauté pure du sentiment qui les unit et dont elles ont goûté la chair.
Un bain de jouvence
Avec « cette histoire à dormir debout d’une liberté et d’une audace incroyables» Jean-Pierre Vincent, se réjouissant visiblement lui-même, donne à vivre un moment de théâtre jubilatoire comme il en est peu. Tout concourt, grâce à son habileté amusée, à faire de cette comédie et perle du répertoire français, un sommet dramatique en forme de vrai bain de jouvence. Au premier rang des qualités de ce formidable spectacle vient la modestie des moyens mis en œuvre qui autorise la concentration sur l’essentiel : le sentiment et l’émotion. Le branlant décor de carton pâte entremêlant gaillardement les époques, bâti dans l’esprit du théâtre de tréteaux, ravive la flamme dramatique. Il est sensible que l’actualité – le mariage pour tous – a été rencontrée par cette forme d’heureux hasard que l’art, quand il est libre, sait organiser. « C’est la rencontre avec les deux actrices » qui a donné au metteur en scène l’opportunité qu’il attendait pour se lancer. Dans les rôles titres, Suzanne Aubert et Chloé Chaudoye sont parfaites. Elles ne sont pas les seules à porter haut la beauté aussi grave que légère des vers de l’œuvre fougueuse. Tous et toutes méritent d’être cités en avouant un coup de cœur pour Barthélémy Meridjen dans le rôle d’Ergaste.
Marie-Emmanuelle Galfré
A propos de l'événement
Iphis et Iantedu lundi 15 avril 2013 au lundi 6 mai 2013
Théâtre Gérard Philipe
59, Boulevard Jules Guesde, 93 200 Saint-Denis.
Du 15 avril au 6 mai 2013, lundi, mardi, jeudi, vendredi, à 20h, samedi à 18h30, dimanche à 16h30, (durée 1h50). Tél : 01 48 13 70 10. www.theatregerardphilippe.com Et aussi, du 2 au 6 avril 2013 à la Scène Nationale de Sète et du bassin de Thau, du 9 au 11 avril 2013 à la Comédie de Reims. Spectacle vu au Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines.