La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Intrigue et Amour

Intrigue et Amour - Critique sortie Théâtre Malakoff Théâtre 71
Crédit photo : Guy Delahayye

Schiller / Mise en scène Yves Beaunesne

Publié le 21 septembre 2015 - N° 236

Schiller a 25 ans, en 1784, lorsqu’il écrit Intrigue et amour, « tragédie bourgeoise » portée par l’élan romantique du Sturm und Drang, fondateur du théâtre allemand moderne. Les amours contrariées de la fille d’un humble musicien et du fils d’un tout-puissant président font résonner le cri de révolte du poète contre les carcans de la société. Le metteur en scène Yves Beaunesne y entend le désir de liberté qui traverse la jeunesse d’aujourd’hui.

Schiller est de plain-pied avec les contradictions d’une époque bouleversée par la Révolution française. Il porte la révolte de la jeunesse contre les absolutismes de son époque. Quel écho entendez-vous pour les jeunes générations d’aujourd’hui ?

Yves Beaunesne : Schiller montre une jeunesse qui se pose la question de l’émancipation et de l’en-commun. Comment se défaire des carcans, comment construire du sens collectivement dans un monde de plus en plus en gagné par l’individualisme ? Cette interrogation résonne avec force dans notre société, tiraillée par les replis identitaires et l’enfermement dans les particularismes. Nous avons besoin de nous réunir par-delà les catégories qui divisent le corps social. Schiller développe dans ce drame une visée qui va au-delà de la fable déchirante sur un amour impossible. Il lie politique et poétique mais sans jamais instrumentaliser l’art. Pour moi, le geste d’un artiste a forcément une portée politique. Il ne s’agit pas de délivrer un message prêt à penser mais d’amener à la pensée, de préserver une certaine opacité dans l’œuvre pour que chacun puisse élaborer sa propre lecture.

« Schiller lie politique et poétique mais sans jamais instrumentaliser l’art. »

Votre parcours témoigne d’une préférence marquée pour le répertoire. L’écart que le temps creuse vous est-il nécessaire ?

Y. B. : oui, je cherche des textes qui résistent, qui m’entraînent dans une lutte amoureuse quant au fond et à la forme. J’ai besoin de sentir un mystère à explorer, de m’enfoncer dans les profondeurs d’une pièce, de me confronter à un enjeu esthétique retors. Je trouve cette complexité dans les grands classiques. Tout comme Les Brigands, autre pièce de jeunesse de Schiller, Intrigue et amour est un peu foutraque. La pensée tâtonne, bifurque, se précise au fur et à mesure. Le dessin des personnages échappe ainsi au manichéisme. Il laisse au contraire affleurer des contradictions, des fragilités… L’ombre et la lumière s’entremêlent en chacun. Par exemple, l’amour des deux jeunes gens se noue autant dans l’union que dans la désunion. Cette ambiguïté secoue nos manies collectives et nos scléroses.

Quelle est la ligne de force que dégage votre mise en scène ?

Y. B. : La difficulté est de donner à la fois le romantisme, les envolées flamboyantes de la langue, cette mêlée sauvage entre archanges et démons, et la peinture sociale quasi-brechtienne. Nous avons imaginé qu’une troupe débarquait dans une ville pour jouer la pièce mais que le camion des décors et des costumes était retardé, que le théâtre n’était pas prêt… Bref que les comédiens devaient improviser la représentation avec ce qu’ils trouvent sur place. Ils redécouvrent la pièce qui se confond aussi avec leurs histoires personnelles. Cette irruption d’effets de réel vient désamorcer toute boursouflure, c’est-à-dire l’exaltation sans chair.

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Intrigue et Amour
du mardi 6 octobre 2015 au vendredi 16 octobre 2015
Théâtre 71
3 Place du 11 Novembre, 92240 Malakoff, France

mardi, vendredi à 20h30, mercredi, jeudi, samedi à 19h30, dimanche à 16h. Tél. : 01 55 48 91 00.

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