La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien / Luigia Riva

Innesti

Innesti - Critique sortie Danse Paris Théâtre national de Chaillot
Crédit : Sara Valentini Légende : Luigia Riva chorégraphie Innesti.

Théâtre National de la Danse de Chaillot / Chorégraphie Luigia Riva

Publié le 19 novembre 2016 - N° 249

Avec sa réflexion sur « l’homme augmenté », la chorégraphe Luigia Riva pousse plus loin les imaginaires, les codes, les genres, le genre.

Quelle est la démarche de la compagnie, qui au fil des années vous a conduit à cette nouvelle pièce ?

Luigia Riva : Innesti est la suite d’Inedito 2, déjà présentée à Chaillot. Ces pièces ont en commun un fil rouge visuel clair fondé sur l’utilisation de ruban adhésif d’emballage. Mais dans Inedito 2, pièce pour femmes, j’avais soustrait des parties de corps, alors que dans Innesti j’ai rajouté des « prothèses » aux hommes. J’utilise la contrainte pour trouver la liberté. Cette contrainte est aussi présente dans le titre de mes pièces, qui commencent toutes par « in », d’ailleurs ma compagnie s’appelle Inbilico, qui veut dire « en équilibre instable ». Une autre caractéristique de ma pièce est l’idée sous-jacente d’animalité, qui est pour moi un thème récurrent. Elle s’exprime ici sous une nouvelle forme, évoquant la brutalité et la bestialité, généralement associées depuis l’Antiquité à la puissance virile, avec des figures mythologiques hybrides comme le centaure et le satyre.

« J’utilise la contrainte pour trouver la liberté. »

Dans cette nouvelle pièce, dont le titre veut dire « greffe », les prothèses figurent-elles un être contraint comme dans Inedito, ou un homme augmenté ?

L. R. : C’est l’homme augmenté, sachant que la contrainte reste là, même si elle ambivalente. Je préfère toutefois parler de stéréotypes de la virilité plutôt que d’hommes. Ces « hommes  augmentés » font référence à des figures, à des codes véhiculés par les médias, par l’histoire – du gladiateur jusqu’aux personnages des films d’action, aux super-héros, ou aux jeux vidéo. Les danseurs représentent un modèle masculin performant, fort et capable de tout, mais en réalité les prothèses changent l’équilibre, la coordination profonde, modifient le poids et les appuis, ce qui les fragilise.

Etes-vous également inspirée par ce qui se passe aujourd’hui, comme la question de l’identité du corps augmenté par les nouvelles technologies, du transgénérisme, du transhumanisme ?

L. R. : Bien sûr, c’est au cœur de ma réflexion. Il y a d’ailleurs une personne transgenre dans le spectacle. Je pense qu’il en est peut-être la clef, et, même s’il n’est sur scène qu’une dizaine de minutes, sa présence est fondamentale. Aujourd’hui, certaines personnes prennent du recul vis-à-vis des codes du genre et déclarent pouvoir endosser, selon les moments de leur vie, des codes féminins ou masculins ; d’autres se déclarent même « no gender ». Prendre de la distance vis-à-vis des codes permet d’être plus libre. Quant au transhumanisme, les prothèses greffées sur les danseurs peuvent faire naître le fantasme d’un corps futur devenu hyper performant et nous ramener à un imaginaire proche d’une science-fiction évocatrice d’un corps de demain.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Innesti
du jeudi 1 décembre 2016 au samedi 10 décembre 2016
Théâtre national de Chaillot
Place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75016 Paris, France

Du 1er au 10 décembre 2016 à 20h45, le jeudi à 19h45, relâche le lundi et le dimanche. Tél. : 01 53 65 30 00.

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