La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Critique

Ils n’ont rien vu de Thomas Lebrun

Ils n’ont rien vu de Thomas Lebrun - Critique sortie Danse Paris Chaillot - Théâtre national de la danse
Ils n’ont rien vu de Thomas Lebrun Crédit : Frédéric Lovino

Chaillot-Théâtre National de la Danse / Chor. Thomas Lebrun

Publié le 22 janvier 2020 - N° 284

Dans les pas de Marguerite Duras et Alain Resnais, Thomas Lebrun témoigne de sa vision d’Hiroshima et livre une pièce remarquable.

D’abord le temps se dilate. Agenouillés en bord de scène, neuf danseurs et danseuses avec lenteur et minutie plient chacun une feuille de papier. La délicatesse et la précision de l’origami se déploient dans leurs gestes. Puis surgissent les voix, inoubliables, d’Eiji Okada et Emmanuelle Riva : « Tu n’as rien vu à Hiroshima. Rien. » « J’ai tout vu. Tout… Ainsi l’hôpital existe à Hiroshima. Comment aurais-je pu éviter de le voir ? » La beauté des dialogues d’Hiroshima mon amour, poème d’amour et de mort réalisé par Alain Resnais sur un scénario de Marguerite Duras, envahit le plateau, soulignée par la finesse des mouvements. Plus tard le temps se fige. En un souffle, qui s’expose au ralenti, l’horreur explose et détruit tout. Les bouches se tordent d’effroi, les corps se disloquent, se consument, chutent.

De l’importance de la mémoire

Comment témoigner de l’indicible ? Comment voir et donner à voir ? Pour Ils n’ont rien vu, Thomas Lebrun et son équipe se sont rendus à Hiroshima. Ils ont rencontré des survivants de la bombe atomique, une amie de la petite fille aux mille grues, ont collaboré avec le Mémorial de la paix. Ce voyage a été également l’occasion d’apprendre d’un maître de kagura quelques bases de cette danse théâtrale shintoïste et de mêler au raffinement qui caractérise l’écriture du chorégraphe celui du Japon. Sur scène, pour seul décor se déploie un immense boro cousu par la plasticienne Rieko Koga. Tantôt paysage, tantôt vague, la multitude de tissus anciens et actuels qui le composent disent la permanence de la tradition, l’importance de la culture. Dans un style que n’aurait pas renié le mangaka Hokusai, la dernière scène du spectacle quant à elle nous avertit : partout le monde a grondé et gronde encore. Ils n’ont rien vu est une pièce forte, importante, d’une grande élégance malgré l’âpreté de son propos. Elle imprime durablement les mémoires.

 

Delphine Baffour

A propos de l'événement

Ils n’ont rien vu de Thomas Lebrun
du jeudi 5 mars 2020 au mercredi 11 mars 2020
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75016 Paris

Les 5, 7 et 10 mars à 20h30, les 6 et 11 mars à 19h45, le 8 mars à 15h30. Tél. 01 53 65 30 00. Durée : 1h20. Spectacle vu au Théâtre Olympia, Tours, dans le cadre du festival Tours d’Horizons.

 

Également le 17 mars à L’Onde, Vélizy-Villacoublay, le 24 mars à la Scène nationale d’Orléans, le 26 mars à L’Hectare, Vendôme, le 5 mai au Merlan, Marseille, et le 7 mai à La Passerelle, Gap.

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