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La danse dans tous ses états

Une évolution qui fragilise la création

Une évolution qui fragilise la création - Critique sortie Danse Paris Chaillot - Théâtre national de la danse
Didier Deschamps Crédit : Patrick Berger

La programmation danse dans les théâtres : où en est-on ?
Entretien / Didier Deschamps

Publié le 23 février 2018

La programmation danse est-elle en progrès dans l’Hexagone ? Quelles sont les évolutions que l’on peut constater ? Nous avons interrogé Didier Deschamps, directeur de Chaillot, seul théâtre national de la Danse.

Voit-on plus de danse aujourd’hui ? Notamment dans les théâtres, les Scènes nationales ?

Didier Deschamps : Globalement, en termes de programmation – qui est intimement liée à la création et à la production -, ce que j’observe, même si cela n’est qu’une appréciation personnelle et non scientifique, c’est la quantité de compagnies, petites ou non, établies ou récentes, qui ont de plus en plus de mal à boucler leurs productions. Elles sont obligées de démultiplier d’une manière très problématique et déraisonnable le nombre de partenaires, qui interviennent avec des niveaux de coproduction très faibles. Au regard de ces éléments, il ne me semble pas que la programmation danse évolue de manière positive…

Et au niveau de la diffusion ?

D.D. : Les séries de spectacles, mêmes limitées, disparaissent au profit d’une représentation unique. De plus, on demande aux compagnies d’être incroyablement investies dans le travail en direction des publics ou au plan de l’éducation artistique et culturelle. C’est le cas, en particulier, des compagnies en résidence. La conséquence à court terme est que le temps de maturation des œuvres, le temps de rêver la création, de la laisser parcourir l’imaginaire, est de plus en plus réduit. Avec, en parallèle, une injonction à produire, à créer, de la manière la plus rapide, la plus économique, la plus directe possible. C’est une tendance très préoccupante, parce que peut-être y aura-t-il beaucoup plus de travail mis en œuvre sur le terrain – et tout le monde s’en félicitera – mais avec des contenus artistiques qui risquent de devenir des coquilles vides.

Actuellement, on peut observer que la danse est principalement soutenue dans sa diffusion et sa production par la danse, c’est-à-dire les CCN, les CDCN, les scènes conventionnées danse et fort peu par les Scènes nationales…

D.D. : Il faut distinguer plusieurs enjeux. D’abord on n’a aucun intérêt à rétrécir la diffusion de la danse dans un réseau spécialisé, mais au contraire, comme n’importe quelle discipline, à être présent dans des réseaux multiples pour toucher des gens différents. Ensuite, les salles des CCN ou des CDCN, sauf très rares exceptions, ne peuvent accueillir que de petits formats. Donc on se condamnerait de facto éternellement à voir de petites formes, alors que les formats plus larges sont absolument nécessaires pour répondre à l’attente du public et au désir des artistes. Il faudrait plus de personnes issues du milieu chorégraphique à la direction de scènes généralistes, ainsi le rééquilibrage s’opérerait naturellement.

« Il faudrait plus de personnes issues du milieu chorégraphique à la direction de scènes généralistes. »

Pourtant, à Chaillot – théâtre national de la danse, vous avez fait la preuve que le public est friand de danse….

D.D. : Ici, à Chaillot, nous constatons que le public s’élargit constamment car nous tenons à présenter des formes esthétiques très différentes. Certaines sont destinées à un public limité, et il est important d’être à cet endroit aussi. D’autres concernent un public plus large avec la même exigence artistique. C’est dans ce cercle que l’on parvient à agrandir le public, d’où l’intérêt de proposer une multiplicité de formes. Nous sommes très heureux d’avoir ouvert la nouvelle salle Gémier, qui est un bel outil pour ce travail. Il faut accepter qu’il y ait des spectacles qui ne rencontrent pas, au début, un public très large, d’où l’intérêt de revoir régulièrement dans un même lieu des artistes que l’on suit dans la durée. Je pense que c’est ce qui différencie le théâtre public du théâtre privé où l’on déprogramme immédiatement une compagnie qui ne « remplit pas ». J’espère que l’on n’en arrivera jamais là !

 

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75116 Paris

Tél. : 01 53 65 31 00. www.theatre-chaillot.fr

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