La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Visages de la danse 2020

Une danse en rapport avec ses sensations intérieures, entretien avec Julie Nioche

Une danse en rapport avec ses sensations intérieures, entretien avec Julie Nioche - Critique sortie  Strasbourg
Crédit : Stéphanie Gressin Julie Nioche, directrice de l’Association d’Individus en Mouvements Engagés.

Entretien
Julie Nioche

Publié le 26 février 2020

Alors qu’elle vient de créer Vague intérieur vague au festival Trajectoires proposé par le Centre Chorégraphique National de Nantes en janvier 2020, Julie Nioche poursuit sa démarche de partage des imaginaires du corps.

Il y a dans votre travail une façon particulière de s’attacher à la question du danseur. Qu’est-ce qui se joue chez le danseur dans cette nouvelle création et dans quelle posture le placez-vous ?

Julie Nioche : Effectivement, je suis un processus de création spécifique, expérimental, car je suis toujours en recherche. Je mets en place des sortes de protocoles de pratiques qui mettent le danseur en rapport avec ses sensations. Il en émane des improvisations et un état sensible en lien avec quelque chose d’intérieur. Il y a une deuxième phase qui est celle de la mise en scène. Les danseurs sont auteurs de leurs gestes, je suis auteure de la pièce, et une co-construction des interventions et des présences de ces danseurs s’effectue sur scène. Le rapport avec leur imaginaire, avec les autres partenaires, et aussi avec les outils du théâtre – la scénographie, la musique et la lumière -, se conjugue au processus qui vient d’une pratique sensorielle du danseur.

« Comment fait-on pour dépasser les normes ? »

Comment passer de l’intime au plateau ?

J.N. : « Intime » n’est pas le bon mot, je m’en méfie. Je ne recherche pas l’intimité ou une histoire personnelle pour la mettre sur scène. A partir de l’unicité de la personne, je m’efforce de rencontrer des socles communs, que j’ai appelés des archétypes, des endroits qui nous construisent mais qui nous dépassent, comme la solitude, la peur, l’enfance. Je me rends compte que je travaille de plus en plus sur la notion de rêve, qui recèle une part d’inconscient, mais aussi d’inconscient collectif. Ce qui se joue, c’est comment cela se traduit dans des mouvements. La mise en scène se pose comme un cadre, un environnement qui va associer plusieurs imaginaires.

Votre projet En classe tourne toujours, et exprime également une tout autre façon de considérer le danseur…

J.N. : Le danseur y a un rôle artistique un peu décalé qui se situe plutôt dans le lien, dans la mise en place de l’imaginaire pour que les enfants puissent s’y glisser. Ils deviennent alors acteurs de la transformation de leur classe. Ce qui m’intéresse, c’est d’infiltrer de la poésie dans leur quotidien, de travailler leurs sensations et de voir comment ils peuvent regarder autrement, bouger autrement, et faire des choses qu’ils n’ont jamais faites auparavant.

Vous travaillez également avec votre équipe de danseurs sur l’événement La Beauté du Geste initié par le Théâtre de Brétigny. Quel est l’objet de cette édition ?

J.N. : Le principe est d’inviter un habitant à partager son geste avec un artiste. Nous allons donner six soirées autour de six habitants avec six artistes. Ils proposeront à la fois de faire une performance à partir de ce geste, de trouver une modalité de partage de ce geste avec le public, et d’ouvrir le débat avec l’habitant qui a offert ce geste. Cette année j’ai souhaité que l’on s’adresse à des habitants qui sont dans une situation physique ou psychique qui leur demande une adaptation et une créativité pour pouvoir faire ce qu’ils ont envie de faire. Nous ont rejoints par exemple une personne de petite taille qui est enseignant, un ostéopathe qui est aveugle, un enseignant en horticulture qui après deux accidents du travail rencontre des problèmes de handicap moteur et de mémoire, une architecte qui a décidé de faire un CAP de menuiserie… Cela me ramène au sujet qui m’intéresse : comment fait-on pour dépasser les normes ? Quelles sont nos stratégies pour sortir du cadre, celui qu’on nous impose, ou que l’on s’impose ?

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Vague intérieur vague
du jeudi 19 mars 2020 au vendredi 20 mars 2020


Rencontres Internationales de Seine-Saint-Denis, les 6 et 7 juin 2020.

En classe : Arto, Ramonville, les 12 et 13 mars 2020. Le Parvis, scène nationale de Tarbes, les 2 et 3 avril 2020.

La Beauté du Geste : Théâtre de Brétigny, du 24 au 29 mars 2020.

x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le spectacle vivant

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le spectacle vivant