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Les sept péchés capitaux / N’ayez crainte de Pina Bausch, rencontre Josephine Ann Endicott et Bénédicte Billet

Les sept péchés capitaux / N’ayez crainte de Pina Bausch, rencontre Josephine Ann Endicott et Bénédicte Billet - Critique sortie  Paris Théâtre du Châtelet
Crédit : Meyer Originals Josephine Ann Endicott et l’ensemble du Tanztheater Wuppertal dans N’ayez crainte.

Entretien avec Josephine Ann Endicott et Bénédicte Billet
Théâtre de la Ville / Théâtre du Châtelet

Publié le 26 février 2020

Créé en 1976, cet opéra dansé, première œuvre de Pina Bausch présentée à Paris, a été remonté il y a peu. Nous avons interrogé Josephine Ann Endicott et Bénédicte Billet, interprètes historiques de Pina Bausch, chargées de transmettre cette pièce à de plus jeunes danseurs.

Jo Ann Endicott, vous avez créé le rôle d’Anna II avec Pina Bausch en 1976. Quels sont vos souvenirs ?

Jo Ann Endicott : Cela fait très longtemps ! La particularité des Sept péchés capitaux est que le texte de Bertolt Brecht préexistait à la danse. Donc elle avait une histoire à déployer. Nous avons fait beaucoup d’essais et ce fut difficile. A un moment, nous étions dans une impasse. J’étais si frustrée de ne pas trouver de réponses aux questions de Pina que j’ai commencé à jeter par terre les meubles qui servaient de décor. Elle l’a inclus dans la pièce. Avec Pina c’était de longues journées de travail, et ce n’était jamais fini, jusqu’à ce qu’elle sente que c’était juste. La deuxième partie, avec les chansons, la musique de Kurt Weill, fut sans doute plus facile pour elle car elle était très musicale.

Comment le public percevait-il une pièce comme celle-là en 1976 ?

Jo Ann Endicott : À l’époque, cela a créé un choc. Le public était surpris par l’aspect si émotionnel, si sincère, si débordant de Pina Bausch. La seconde partie, N’ayez crainte, avec les chansons et les airs de Kurt Weill remportait toujours un grand succès. Dans ce « deuxième acte », les hommes étaient habillés comme des femmes, en robe et talons hauts, ce qui était à la fois très drôle et très étrange. Il n’en restait qu’un seul, habillé en homme. C’était très pertinent, car ce qui est décrit sur scène est un monde d’hommes qui voient les femmes comme des proies à violer.

Pensez-vous que la pièce de Brecht et les thèmes soulevés sont plus difficiles à faire passer auprès des jeunes d’aujourd’hui ?

Bénédicte Billet : A l’époque de #MeToo les thèmes soulevés par Pina sur la façon dont sont traitées les femmes ne manquent pas de résonnances. Ça n’a pas beaucoup changé. Je pense qu’au niveau musical, les jeunes sont toujours touchés par ces mélodies, et qu’ils les connaissent. D’ailleurs, les Doors ont repris Alabama Song. C’est une pièce qui reste extrêmement forte et peut émouvoir énormément un public d’aujourd’hui.

« C’est un travail constant de rester vrai, de ne pas trop charger, de juste faire ce qu’il faut. » Bénédicte Billet

« Le public était surpris par l’aspect si émotionnel, si sincère, si débordant de Pina Bausch. » Jo Ann Endicott

Comment la transmettez-vous ?

Jo Ann Endicott : La dernière fois que je l’ai dansée, c’était il y a deux ans, j’ai dansé mon propre rôle dans la deuxième partie. Et j’ai interprété Anna II jusqu’à presque 60 ans ! Mais il était temps que je passe la main. J’ai trouvé une très belle danseuse, Stephanie Troyak, et je suis très heureuse du résultat. Ces anciennes pièces font partie intégrante de moi. J’ai dansé Les Sept péchés pendant quarante-deux ans, j’ai vécu avec ce rôle. Quand vous l’enseignez à une autre, vous avez une telle connaissance de ce que l’on y ressent, de ce à quoi la danse doit ressembler, que vous y passez de longues heures de répétition. C’est très intense, car vous voulez tellement qu’elle comprenne toutes les nuances, toutes les couleurs et toutes les émotions que vous traversez… Transmettre, c’est comme infuser la moitié de vous-même à cette personne, lui livrer tous vos secrets pour l’aider à réussir ce qu’elle a besoin d’être.

Bénédicte Billet : C’est un travail constant de rester vrai, de ne pas trop charger, de juste faire ce qu’il faut, ni plus, ni moins. Il faut rester honnête et se poser les bonnes questions. Ce qui est important c’est de ne pas mettre de mots qui ne seraient pas justes, de ne pas déformer les pensées de Pina. Il est sûr que la façon de transmettre se modifie au cours des ans et des reprises. On essaie de ne pas revenir à l’origine, mais sans trahir ce que Pina a mis dans sa  pièce, sachant que Pina aussi a évolué au cours de sa carrière. En tant que répétitrice de la compagnie, j’étais assise à côté de Pina pendant les reprises, mais c’est elle qui prenait les décisions. C’est très différent d’être répétitrice ou d’essayer de retrouver ce que Pina voulait dire ou montrer.

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

Les sept péchés capitaux / N’ayez crainte de Pina Bausch, rencontre Josephine Ann Endicott et Bénédicte Billet
du mardi 24 mars 2020 au dimanche 29 mars 2020
Théâtre du Châtelet
place du Châtelet Paris

Du 24 au 28 à 20h. Le 29 à 15h. Tél. : 01 42 74 22 77. Durée 2h25 avec un entracte.

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